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Temas medievales

versión impresa ISSN 0327-5094versión On-line ISSN 1850-2628

Temas Mediev. v.14  Buenos Aires dic. 2006

 

EJE TEMÁTICO: Cultura y sociedad en el mundo carolingio

Peut-on parler de millénarisme à l'´époque carolingienne? l'apport de quelques sources exégétiques 1

Sumi Shimahara

(Université de Paris IV-Sorbonne, Fondation Thiers)

Sommaire: Le millénarisme est une croyance officiellement condamnée à l'aube du Moyen Age. Il semble pourtant qu'elle soit réapparue en divers lieux, à différentes époques, sous une forme amoindrie. Les historiens du haut Moyen Age disposent de peu de sources explicites témoignant de l'existence d'une telle croyance, et leurs interprétations sont variées. Il paraît certain que si le millénarisme exista à l'époque carolingienne, ce fut de façon discrète, ponctuelle: aucune source ne le présente comme une hérésie dangereuse. L'examen de quelques textes exégétiques montre que les affirmations orthodoxes ne répondent pas nécessairement à des croyances déviantes attestées, mais s'inscrivent dans une tradition de prédication écrite. L'interprétation à partir du silence des sources doit donc être utilisée avec prudence et étayée par des témoignages explicites que nous ne connaissons pas à ce jour.

Mots-Clé: Millénarisme -Hérésies - Historiens carolingiennes

Resumen: El milenarismo fue una creencia oficialmente condenada a comienzos de la Edad Media. Sin embargo, ésta reapareció en diversos lugares, en diferentes épocas, en una forma reducida. Los historiadores de la alta Edad Media disponen de pocas fuentes escritas que testimonien la existencia de tal creencia y sus interpretaciones son variadas. De hecho, si el milenarismo existió en tiempos carolingios, lo hizo de manera discreta, puntual. Ninguna fuente lo presenta como una herejía peligrosa. El estudio de algunos textos exegéticos muestra que las afirmaciones ortodoxas no responden necesariamente a creencias desviadas atestiguadas sino que se inscriben en una tradición de predicación escrita. Por tanto, la interpretación a partir del silencio de las fuentes debe ser utilizada con prudencia y  en función de los testimonios explícitos que no conocemos en la actualidad.

Palabras Clave: Milenarismo - Escritores carolingios - Herejías

Summary: Millenarianism was officially condemned at the start of the Middle Ages, but it reappeared, although with less weight, at different moments and places. Historians studying the high Middle Ages have at their disposal few written sources which would prove the existence of any such beliefs and their interpretations vary. Thus, if millenarianism did exist during the Carolingian period, we must assume that it did so discreetly and in specific cases. No source mentions it as being a dangerous heresy. The analysis of certain exegetical sources proves that some orthodox statements are not an answer to any verified erroneous beliefs, but that they belong to the tradition of written predication. Therefore, an interpretation based on their absence in the sources ought to be used carefully in view of the present lack of any written proof of their existence.

Key Words: Millenarianism - Carolingian  writers - Heresies

   Le millénarisme au sens strict est la croyance dans l'avènement d'un règne terrestre du Christ lors de la Parousie, établissant la paix et la justice pendant mille ans pour les justes ressuscités, avant la seconde résurrection. Il a été critiqué dès l'époque patristique 2. En 431, le Concile d'Ephèse le déclara hétérodoxe 3. En Occident, le décret De libris recipiendis et non recipiendis, attribué à tort à Gélase mais reçu par l'Eglise, condamna, au VIe s. au plus tard, les ouvrages de plusieurs millénaristes, parmi lesquels Tertullien, Sulpice Sévère, Lactance, Commodien et Victorin de Pettau 4. En théorie, cette croyance aurait dû disparaître; mais il n'a jamais suffit de décréter qu'une idée était hétérodoxe pour l'éliminer. On peut donc se demander si le millénarisme a survécu. De fait il existe, à partir du XIe s. au moins, des mouvements adventistes, fondés sur la croyance que la fin des temps est proche 5. Souvent subversifs, cherchant à préparer voire à instaurer un ordre nouveau, ces manifestations témoignent d'une reviviscence du millénarisme entendu de façon plus large comme "l'avènement sur terre d'un ordre parfait" 6. Ils ne sont pas nécessairement liés à une doctrine qui aurait survécu de façon continue, souterraine, depuis l'Antiquité: les hommes du XIe s. peuvent avoir lu d'un œil neuf les textes bibliques qui avaient donné lieu au développement du millénarisme dans l'Eglise des premiers siècles 7. Il ne s'agira donc pas ici de suivre le cheminement continu d'une idée entre sa condamnation officielle et des manifestations qui semblent s'y rattacher, six siècles plus tard, mais de voir s'il existe des témoignages de croyances se rattachant au millénarisme dans des milieux précis. Etant donné que cette croyance est officiellement condamnée, les traces éventuelles de sa survie doivent se rechercher sous une forme amoindrie. Nous avons retenu, dans cette enquête, trois types d'adaptations: la croyance en un règne terrestre de paix et de prospérité précédant la fin des temps, l'idée qu'à l'issue d'une durée de mille ans après la première venue du Christ, surviendrait la seconde Parousie et, enfin, la croyance en l'imminence de la fin des temps.
   La recherche sur le haut Moyen Age s'est concentrée d'une part sur la fin de cette période, l'an mil, et d'autre part sur les émotions que la croyance en l'imminence de la fin des temps aurait suscitées autour de cette date, peur ou joie, de façon massive ou marginale. Deux positions existent aujourd'hui, l'une considérant que le millénarisme a résisté durant le haut Moyen Age, l'autre affirmant que les signes de sa survivance, en particulier autour de l'an mil, sont trop rares pour que l'on puisse parler de terreurs ou de sentiment de fin du monde imminente 8.
   Etant donné que les écrits patristiques millénaristes avaient été purgés de leurs passages hétérodoxes aux IVe et Ve s. 9, la principale source textuelle de résurgence millénariste au haut Moyen Age a dû être la lecture de la Bible 10. Cette lecture était alors dirigée par la prédication et l'enseignement, écrit ou oral, des clercs. On peut donc se demander si cet enseignement révèle, en négatif probablement, des traces de millénarisme. L'interprétation des remarques anti-millénaristes comme signes de réactions à un millénarisme effectif a été proposée par Richard Landes, et appliquée par lui surtout aux sources de comput 11. Nous estimons que cette interprétation peut également convenir aux sources exégétiques, mais nous pensons, à la manière de Sylvain Gouguenheim, que ces remarques négatives ne sont pas nécessairement des réactions à l'existence d'idées millénaristes 12. Cette dernière doit être prouvée par des sources explicites provenant du même milieu. La période du haut Moyen Age où l'ambition réformatrice est attestée de la façon la plus nette est celle de la première renouatio carolingienne, de la fin du VIIIe s. au milieu du IXe s. Cette époque est aussi celle où la production exégétique s'intensifie de façon remarquable 13. Les commentaires bibliques seront donc la source privilégiée de notre enquête. Source privilégiée, mais pas unique. En effet, l'exégèse carolingienne est déroutante en ce qu'elle est très conservatrice et ne se réfère pas explicitement à des événements contemporains. Pour en saisir la portée, il faut donc restituer son contexte, à l'aide de sources aussi variées que possible.
   Quels textes choisir dans le corpus immense de l'exégèse carolingienne? Ceux qui ont trait à l'eschatologie sont les plus propices à témoigner d'une éventuelle réaction contre le millénarisme. Les commentaires sur l'Apocalypse et la seconde Epître aux Thessaloniciens ont déjà été étudiés 14. Restent donc les prophètes de l'Ancien Testament. Le livre de Daniel est intéressant puisqu'il constitue, pour ses chapitres 7 à 12, une apocalypse, c'est-à-dire une révélation, dont l'interprétation la plus fréquente fut eschatologique. Après avoir brièvement rappelé le cadre patristique dans lequel se développe la conception du temps durant le haut Moyen Age occidental, nous étudierons les commentaires carolingiens sur Daniel, puis nous en proposerons une amorce d'interprétation.

Le cadre patristique et son influence dans l'exégèse de l'Apocalypse

Jérôme

   Les commentaires de Jérôme sur les livres prophétiques de l'Ancien Testament furent la principale source des exégètes du haut Moyen Age latin. Or Jérôme fut anti-millénariste, surtout dans ses expositions sur les prophètes. Martine Dulaey a relevé 59 passages en ce sens dans toute son œuvre, mais la plupart d'entre eux concernent la période où il commenta les grands prophètes, à partir de 406 15. Dans son Commentaire sur Daniel, datant probablement de 407 16, il condamne clairement toute interprétation relative à un règne terrestre du Christ précédant la fin des temps, quelle que soit sa durée:

   Dn 7, 11-12. Et je vis que la bête avait été  tuée, que son corps avait été détruit et livré au feu pour être brûlé; qu'aux autres bêtes aussi, la puissance avait été retirée, et que des temps de vie leur avaient été fixés pour un temps et un temps. Dans le seul Empire romain, à cause des blasphèmes de l'Antichrist, tous les royaumes en même temps ont été détruits, et en aucune manière il n'y aura [alors] d'empire terrestre, mais ce sera la demeure des saints et l'avènement du fils de Dieu triomphant [...]
   Dn 7, 17-18a. Ces quatre bêtes, ce sont quatre royaumes qui s'élèveront de la terre; puis les saints du Dieu très haut recevront la royauté. Les quatre royaumes, dont nous avons parlé plus haut, ont été terrestres: Car tout ce qui est de la terre retournera à la terre 17, mais les saints n'auront en aucun cas un royaume terrestre, mais le royaume céleste. Que la fable des mille années cesse donc [...]
   Dn 7, 27. Quant à la royauté, à la puissance et à la grandeur du royaume qui s'étend sur tout le ciel. Cela est dit de l'empire du Christ qui est éternel 18 .

   Par ailleurs, Jérôme estime que les mille ans doivent être compris de façon spirituelle, en tant que symbole de la perfection. Dans la finale qu'il ajoute au Commentaire sur l'Apocalypse de Victorin de Pettau, il dit ainsi:

   Je ne pense pas que le règne de mille ans soit un règne terrestre, ou alors, s'il faut l'entendre ainsi, il faudrait admettre qu'une fois les mille ans accomplis, ce règne cesse. Mais je vais dire ce que je suis en mesure de comprendre. Le nombre dix symbolise le décalogue, et cent désigne la couronne de la virginité. Celui en effet qui aura maintenu intact son propos de virginité et aura fidèlement observé les préceptes du décalogue, [...] il accomplit totalement le nombre mille; nous croyons qu'il règne avec le Christ, et qu'en lui le diable est véritablement enchaîné 19.

Augustin

   Augustin, à partir de 400 au moins, est anti-millénariste. Il exprime ensuite très nettement cette position dans sa correspondance avec Hesychius de Salone 20. Dans La cité de Dieu, il élabore un système de lecture de l'histoire qui marqua le haut Moyen Age latin 21. Le livre XX, consacré aux thèmes eschatologiques, fut notamment utilisé dans le De temporum ratione de Bède, extrêmement répandu à l'époque carolingienne 22. Deux cités coexistent dans le monde terrestre: celle de Dieu, qui aspire aux biens célestes, et la cité terrestre, attirée par des objets et des motivations terrestres. Toutes deux coexistent dans la société aussi bien que dans chaque individu. L'histoire est celle de la lutte entre ces deux cités; elle est ponctuée par des jugements partiels, annonciateurs du jugement dernier. L'histoire est en effet orientée vers sa fin: le monde croît à la façon d'un être humain, selon différents âges, de l'enfance à la mort. Cette dernière surviendra lors de la fin des temps, qui est l'entrée dans l'éternité. L'incarnation inaugure le dernier âge du monde, celui de sa vieillesse. Par conséquent, comme le soulignent Daniel Verhelst et Sylvain Gouguenheim, il ne faut pas sur-interpréter les mentions de vieillissement du monde en les considérant comme des manifestations de la crainte de sa fin. Dans la perspective augustinienne, il s'agit simplement de la conscience de vivre dans ce dernier âge dont la durée est inconnue 23. Le jugement dernier consistera à séparer définitivement la cité terrestre, vouée à disparaître, de la cité céleste, qui règnera de façon absolue et éternelle, hors du temps et du monde anéanti. La première résurrection des justes est celle qui s'opère chaque jour au sein de l'Eglise, par la rémission des péchés; elle n'est donc pas eschatologique. Il n'y a pas de place, dans ce cadre, pour un règne terrestre des justes lors de la Parousie, à propos duquel Augustin dit dans La Cité de Dieu, XX, 7:

   Ceux qui, d'après les paroles de ce livre, ont conjecturé que la première résurrection sera corporelle, furent, par-dessus toute autre raison, fortement impressionnés par le chiffre de mille ans, comme s'il devait y avoir pour les saints une sorte de repos sabbatique d'une très longue durée, c'est-à-dire un saint loisir après les labeurs des six mille ans écoulés depuis le jour où l'homme fut créé [...] Cette opinion pourrait de quelque manière être tolérée, si elle pouvait admettre que les saints obtiennent en ce sabbat, par la présence du Seigneur, quelques délices spirituels. Car nous aussi, nous avons autrefois partagé cette opinion 24. Mais quand on entend dire que ceux qui alors seront ressuscités, s'adonneront aux festins charnels les plus démesurés, dans lesquels nourritures et boisson regorgeront au point que, loin de garder nulle retenue, ils dépasseront même la mesure de ce qu'on saurait croire, assurément, il ne peut y avoir que des hommes charnels pour croire de pareilles choses 25.

Le fait que ce règne durera mille ans est également interprété de façon spirituelle:

   Quant aux mille ans, ils peuvent, autant que je le vois, être compris de deux manières: ou bien cet événement se produira dans les derniers mille ans, c'est-à-dire au sixième millénaire considéré comme un sixième jour, dont les dernières étapes se déroulent maintenant; viendra ensuite un sabbat qui n'aura pas de soir, le repos des saints, bien sûr, qui n'aura pas de fin; d'après la manière de parler qui prend la partie pour le tout, Jean aurait appelé mille ans la dernière partie de cette sorte de jour de mille ans qui restait à courir jusqu'à la fin du siècle; ou sans doute a-t-il employé mille ans pour l'ensemble des années de ce siècle, en vue de marquer par un nombre parfait la plénitude même du temps 26 .

   La deuxième explication est celle de Jérôme. La première en revanche fait allusion à la périodisation de l'histoire d'après la semaine de la création, courante à l'époque patristique, élaborée à partir de l'Epître de Barnabé et explicitement théorisée dans le Commentaire sur Daniel d'Hippolyte de Rome 27. Augustin fait probablement allusion à ce dernier et il conteste ses calculs: le millénaire doit être entendu de façon spirituelle comme équivalent d'une période et non d'une durée précise, sans quoi il s'ensuivrait que l'histoire durerait six mille ans et qu'on pourrait donc calculer sa fin, ce qui est contraire aux Écritures:

   Ils ne font appel qu'à des conjectures humaines, à rien qui soit garanti par l'autorité des Ecritures canoniques. Mais il énerve les doigts de tous ces calculateurs et leur enjoint de rester tranquilles, celui qui dit: Ce n'est pas à vous de savoir les temps que le Père garde en son pouvoir (Ac 1, 7) 28 .

L'exégèse de l'Apocalypse dans l'Antiquité tardive et le haut Moyen Age

   La double influence de Jérôme et d'Augustin sur ce thème a été très forte durant tout le haut Moyen Age latin, comme on le constate dans l'abondante exégèse de l'Apocalypse. Jérôme réédite ainsi en 398 le Commentaire sur l'Apocalypse de Victorin de Pettau afin de modifier le sens de ses deux derniers chapitres, fortement millénaristes. Il l'affirme lui-même dans sa lettre-préface à Anatolius:

   [...] je me suis mis aussitôt à feuilleter les ouvrages des anciens: ce que j'ai trouvé dans leurs commentaires sur le royaume millénaire, je l'ai ajouté à l'ouvrage de Victorin, en retranchant les interprétations littérales de ce dernier 29 .

   Jérôme conserve de Victorin sa théorie de la récapitulation appliquée à l'Apocalypse: les séries des sept sceaux, sept trompettes et sept coupes ne sont pas à comprendre comme une succession d'étapes de l'histoire, mais comme des événements récurrents préfigurant ceux de la fin 30. Le second commentaire de l'Apocalypse dont l'influence fut primordiale au haut Moyen Age, directement ou non, est celui de Tyconius. C'est le premier qui n'interprète pas Apc 20-21 de façon millénariste. La postérité de Tyconius a souffert de sa réputation de donatiste, même s'il avait pris ses distances avec cette Eglise. Mais son utilisation, au moins ponctuelle, par Augustin dans La Cité de Dieu pour expliquer Apc 20-21, lui a conféré une certaine autorité 31 . L'Africain Primasius composa ainsi au VIe s. une synthèse des explications de Tyconius, d'Augustin et de l'édition hiéronymienne de Victorin. Primasius a lui-même été utilisé par Bède le Vénérable, qui le complète en puisant directement à Tyconius et au livre XX de la Cité de Dieu 32. Beatus de Liébana recourt à Tyconius, auquel il ajoute des éléments tirés d'Apringius, de Victorin et du livre XX de La Cité de Dieu 33, tandis qu'Ambroise Autpert s'inspire pour l'essentiel de Primasius. Or Bède et Ambroise sont les sources principales des commentaires carolingiens sur l'Apocalypse 34. Guy Lobrichon note que Bède avait ébauché une lecture successive des sept sceaux et trompettes, mais qu'il était resté prudent. Ce n'est pas cet aspect de son exégèse qu'ont retenu les carolingiens, en particulier Haymon d'Auxerre 35. A cette exception près, la dimension eschatologique de l'Apocalypse fut donc neutralisée au haut Moyen Age. Existe-t-il malgré tout quelques attestations de millénarisme à l'époque carolingienne?

Quelques attestations de millénarisme à l'époque carolingienne

Un règne terrestre de paix et de prospérité

   Les témoignages de millénarisme avéré sont assez rares au haut Moyen Age. Il existe cependant plusieurs adaptations de cette idée. L'instauration d'un règne terrestre de paix et de prospérité se retrouve ainsi dans la croyance dans le dernier empereur. L'exemple le plus net en sont les Révélations du pseudo-Méthode. Ce texte est attribué à un oriental, Méthode de Patara, évêque et martyr syrien du IVe s. En réalité, il fut écrit au VIIe s afin de réconforter les chrétiens de Syrie face aux musulmans. Ce contexte d'écriture rappelle celui de Daniel. Les deux livres appartiennent au même genre, apocalypse étant le terme grec pour révélation, et tous deux sont des prophéties post eventum attribuées à un saint du passé. L'élaboration d'une eschatologie qui rompt avec l'ordre du monde pour en instaurer un autre, promettant de récompenser ceux qui, dans le présent, se sentent persécutés, a pu donner lieu à des développements millénaristes. Les Révélations du pseudo-Méthode furent traduites en latin au VIIIe s, par un moine nommé Pierre et vivant dans un couvent en Gaule 36. Il eut un très grand succès en Occident, surtout à partir du XIIe s. mais on conserve une vingtaine de manuscrits antérieurs à cette date, soit davantage que tous les manuscrits de commentaires carolingiens sur Daniel 37. Les Révélations affirment que quand le malheur sera immense, un empereur ressuscitera, vaincra les ismaélites, établira un règne de paix et de prospérité. Il anéantira aussi Gog et Magog, les peuples dévastateurs évoqués en Ez 38-39 et en Ap 20, 7-10, puis se rendra à Jérusalem et restituera l'empire chrétien à Dieu. Il mourra à cet endroit, et le règne de l'Antéchrist débutera. En quoi ce texte est-il une adaptation de la croyance millénariste? D'une part, comme le souligne Daniel Verhelst, l'action du dernier empereur ressemble à celle du Christ décrite dans I Cor 15, 24:

   Tous les royaumes, toutes les puissances de ce monde seront détruits, sauf celui-ci. Il est attaqué, mais il ne sera pas vaincu, et tous les peuples qui lutteront contre lui seront détruits et anéantis par lui, et il résistera jusqu'à ce qu'advienne la dernière heure, et celle-ci trouvera ses forces vers Dieu 38, comme le dit l'Apôtre: Quand tout royaume et toute puissance seront détruits, le Fils remettra le royaume à Dieu le Père 39 .

   D'autre part, le texte affirme que l'Empire romain coïncide avec l'empire chrétien terrestre. Or la description du règne de ce dernier empereur rappelle celle des réjouissances terrestres évoquées par les pères des premiers siècles:

   Le roi des Romains leur [les ismaélites] imposera son joug sept fois autant que leur joug se sera imposé sur la terre. [...] Alors la paix s'étendra sur la terre qu'ils auront dévastée. Chacun rentrera dans sa terre et dans l'héritage de ses pères. [...] L'indignation et la fureur du roi des Romains se déchaîneront contre tous ceux qui auront renié Notre Seigneur Jésus-Christ, et la terre s'installera dans la paix. La paix et la sérénité recouvriront la terre, comme cela n'a jamais été, et comme cela ne sera jamais qu'au dernier jour et à la fin des siècles. La joie s'étendra sur la terre et les hommes vivront en paix. Les cités seront  reconstruites, les prêtres seront libérés de leurs angoisses, les hommes de ce temps se remettront de leurs malheurs. Ceci est la vraie paix telle que la décrivit l'Apôtre 40. [...] Dans ce temps de paix, les hommes seront établis sur la terre dans la joie et l'allégresse, ils mangeront, ils boiront, ils se marieront, ils exulteront, ils se réjouiront, ils édifieront et construiront, et il n'y aura plus dans leur cœurs de crainte ni de soucisv 41 .

   C'est sans doute parce qu'il adapte la croyance en plaçant à la tête de ce royaume terrestre de paix et de prospérité un empereur humain et non le Christ que ce texte a échappé à une condamnation millénariste. C'est d'ailleurs avec l'aide de Dieu que l'empereur parvient à anéantir Gog et Magog. Par ailleurs, le récit est tissé d'allusions et de citations bibliques. Mais l'essence d'un des aspects du millénarisme, la promesse réconfortante d'un ordre terrestre nouveau, juste et prospère, à la fin des temps, est bien présent. Le texte a pu parler aux Occidentaux puisque les musulmans étaient également connus, notamment aux frontières de l'empire de Charlemagne. Pour autant, comme le montre Sylvain Gouguenheim, rien ne prouve que les contemporains aient vu en Charlemagne ce dernier empereur 42.
   Un deuxième texte s'est inspiré de la légende du dernier empereur. Il s'agit du Traité sur l'Antéchrist d'Adson de Montier-en-Der. Adson fut moine puis abbé de Montier-en-Der, en Lorraine, dans la deuxième moitié du Xe s. Ce traité, composé à la demande de la reine Gerberge entre 949 et 954, est une synthèse de l'eschatologie de cette période. Il témoigne donc d'idées qui circulaient auparavant, notamment à l'époque carolingienne, et de de la valeur qu'on leur accordait 43. Voici en effet ce que dit Adson sur le temps qui précédera la venue de l'Antéchrist:

   Ce temps n'est pas encore venu, car, même si nous voyons l'Empire romain en grande partie détruit, aussi longtemps qu'il y aura des rois francs pour le maintenir, la dignité du royaume romain ne périra pas tout à fait, puisqu'elle subsistera dans ces rois. Certains de nos docteurs disent qu'un roi des Francs tiendra en dernier l'Empire romain, qu'il apparaîtra au dernier jour et qu'il sera le plus grand et le dernier de tous les rois. Après avoir gouverné heureusement son royaume, il viendra enfin à Jérusalem et il déposera son sceptre et sa couronne sur le mont des Oliviers. Ce sera alors la fin et la consommation de l'empire des Romains et des chrétiens 44

   Ce traité a une dimension politique importante 45 mais il témoigne aussi de la résurgence d'un millénarisme atténué. Certes, la félicité du règne du dernier empereur est évoquée beaucoup plus discrètement que dans les Révélations du pseudo-Méthode. Mais la croyance en ce règne est placée sous l'autorité de "certains de nos docteurs". La légende perd en détails sur la prospérité terrestre, mais gagne en autorité. Daniel Verhelst pense qu'Adson fait référence à des lettrés francs, qui se seraient inspirés des Révélations du pseudo-Méthode 46. Il estime qu'Agobard de Lyon témoigne déjà de cette croyance dans la première moitié du IXe s., dans l'un de ses traités adressé à Louis le Pieux, Sur l'arrogance des Juifs 47 . Agobard déclare:

   Pourquoi Dieu tout-puissant, qui vous a mis en avant et destiné à l'avance comme pieux recteur des temps futurs absolument inéluctables, aurait-il élevé votre prévoyance et votre étude de la religion au-dessus de tous les mortels de votre temps? C'est, sans aucun doute, afin de vous préparer, en tant que remède pour les temps dangereux, au sujet desquels l'Apôtre dit: Dans les derniers jours, surviendront des temps difficiles 48 , etc... A leur propos, il ne faut rien attendre de ce qui s'est déjà vu, si ce n'est la destruction de Satan...49.

   Selon Daniel Verhelst, Agobard tente de convaincre Louis le Pieux qu'ils vivent une époque dangereuse, celle de l'attente de la libération de Satan, et que Dieu réserve à Louis un rôle important dans ce contexte. Il ajoute que la peur d'une fin du monde imminente perce souvent dans l'œuvre d'Agobard et s'explique par son implication dans la lutte contre les hérétiques, les juifs, et la discorde entre Louis le Pieux et ses fils. Ce qui est certain, dans ce passage, c'est qu'Agobard témoigne de l'habituelle "tension eschatologique", selon l'expression de Sylvain Gouguenheim: les hommes vivent dans le dernier âge du monde, il s'agit d'être prêt pour un jugement qui peut survenir brutalement 50. Le rappel des événements de la fin doit inciter à la pénitence et donc au salut. A cela s'ajoute, chez Agobard, la certitude de vivre une époque de crise. Il témoigne également de la vision qu'il a du rôle de l'empereur: c'est le chef de l'Ecclesia sur terre, celui qui doit permettre au corps du Christ de vaincre le corps de l'Antichrist, c'est-à-dire le diable, et non nécessairement l'Antéchrist. L'idée que l'empereur est responsable du salut de ses sujets est souvent affirmée à l'époque carolingienne. Cette conception a pu rencontrer la croyance dans le dernier empereur. Cela ne nous paraît pas explicite dans ce passage d'Agobard, mais est attesté dans la synthèse d'Adson, plus tardive.

Imminence de la fin des temps?

    Un autre aspect du millénarisme a été adapté: il s'agit de la durée de mille ans pendant laquelle se déroule le règne du Christ et à l'issue duquel l'Antéchrist doit être détaché. Cette durée est généralement associée à celle des âges du monde et/ou à la semaine millénariste. Malgré l'interdit de calcul de la fin des temps, exprimé par exemple dans Act 1, 7 et rappelé par Augustin, comme nous l'avons vu plus haut, l'attitude de certains clercs trahirait, selon Richard Landes, un désir de dater la fin du monde 51. Retraçant l'histoire des systèmes de datations, il considère qu'il existe un conflit entre l'eschatologie implicite des calculs et les dénis explicites de la croyance millénariste qui les accompagne. S'appuyant sur les exemples attestés de prédication concernant une fin du monde imminente, Richard Landes en déduit l'existence d'un millénarisme qui s'est transmis de façon orale, l'écrit hétérodoxe étant censuré, et dont les seules traces que nous puissions connaître sont les dénis écrits, plus ou moins explicites. Il parle de "conspiration du silence" 52 . Plusieurs de ses arguments ont été critiqués par Sylvain Gouguenheim, en particulier la raison des changements de systèmes de datation au cours du haut Moyen Age et l'aspect systématique de l'interprétation du silence des sources 53. De fait, il est difficile d'utiliser des témoignages implicites sans les mettre en relation avec des preuves nettes et irréfutables de millénarisme dans le même contexte. Mais il existe des notes de comput assez suggestives, notamment aux marges du monde carolingien, en Espagne, parmi les chrétiens faisant face, au VIIIe s., à la fois à la présence musulmane et au développement de l'hérésie adoptianiste 54. Dans ce contexte, les catholiques ont pu se sentir persécutés et dès lors espérer que la fin des temps -et donc leur récompense- survienne rapidement.
   C'est dans ce contexte qu'Elipand de Tolède accusa Beatus de Liébana d'avoir prononcé, lors de vigiles pascales, un sermon déclarant que la fin du monde était arrivée 55. Il s'agit sans doute d'une exagération destinée à discréditer un adversaire dans le cadre de la controverse adoptianiste 56. Beatus se déclare en effet anti-millénariste, affirme que "le temps restant jusqu'à la fin du monde est incertain pour la recherche humaine", et appuie cette assertion sur plusieurs citations bibliques. Son commentaire de l'Apocalypse s'inspire essentiellement de Tyconius et de la théorie de sa récapitulation. Beatus considère que le chiffre mille est à prendre de façon symbolique 57. Le seul argument qui a permis de dire que Beatus était millénariste repose sur une remarque complétant la chronologie d'Isidore de Séville dans le cadre des 6000 ans: "[...] pour parvenir à l'accomplissement du sixième millénaire, il reste donc 14 années [...] Vous devriez connaître la vérité: le monde finira en 6000 ans, mais qui sait si ces années ne seront pas écourtées?" 58 . Il faut cependant restituer ces citations dans leur contexte: Beatus insiste sur le fait que la durée des millénaires est symbolique et que nul, si ce n'est Dieu, ne peut la connaître 59. Le décompte ne correspond donc nullement à une détermination chiffrée de la fin du monde. Comme le souligne Noureddine Mezoughi, alors que le commentaire de Beatus a été révisé plusieurs fois, y compris de façon posthume, le décompte n'a pas été mis à jour 60.
    Daniel Verhelst estime qu'un demi-siècle plus tard, au sein de l'Empire, la division consécutive à la mort de Louis le Pieux ainsi que les incursions normandes et sarrasines contribuèrent à développer "un sentiment croissant d'inquiétude" 61 . L'exégèse traditionnelle de II Th 2, 2-3 et Dn 7, 7-8 indiquait qu'avant la venue de l'Antéchrist, l'Empire romain serait anéanti, divisé entre dix rois. Les hommes du milieu du IXe s. auraient pu voir dans les événements de leur époque une concrétisation de ces prophéties, même si les contemporains n'ont pas perçu le partage de Verdun de façon aussi tranchante que nous le pouvons le considérer, de façon rétrospective 62. Daniel Verhelst relève plusieurs indices littéraires de cette inquiétude croissante. Hincmar de Reims constitua ainsi un dossier patristique concernant l'Antéchrist; il considérait que la pratique accrue de la magie noire était un des signes précurseurs de la venue de ce dernier 63. Vers 842, Agnellus, rédigeant le Liber pontificalis de Ravenne, inséra dans son récit de la vie de Gratiosus une prophétie qu'il lui attribuait 64. Cette dernière prédisait beaucoup de maux et de fléaux ainsi que la fin de "l'Empire romain des Francs", remplacé par plusieurs rois 65. Tous ces témoignages peuvent cependant être interprétés comme des rappels de ce qui adviendra à la fin et donc une exhortation renouvelée à se tenir prêt. Il ne s'agit pas de prédications signalant l'imminence au sens fort de la fin des temps.
    Les Annales de Fulda en revanche évoquent la prédication d'une femme, Thiota, qui annonça, dans les diocèses de Constance et de Mayence, en 847, que la fin du monde surviendrait cette même année 66. Elle aurait agi sur les conseils d'un prêtre, par appât du gain. Sa prédication aurait provoqué la crainte chez les gens simples (plebeii) et chez des ecclésiastiques. Son argumentation n'est cependant pas évoquée. Le tribunal synodal prononça contre elle une peine de flagellation pour avoir prétendu dater la fin des temps et surtout pour avoir usurpé la fonction cléricale. Le fait qu'aucune raison doctrinale ne soit rapportée indique que la condamnation ne vise pas avant tout l'erreur dogmatique. Comme le fait remarquer Paul Alphandéry, ce fait n'est pas signalé dans les actes du synode, mais seulement dans les Annales de Fulda 67 . D'ailleurs, poursuit Paul Alphandéry, le motif invoqué correspond au châtiment prononcé: Thiota est avant tout coupable d'usurpation "du ministère de la prédication", et accessoirement d'avoir troublé l'ordre public. A l'époque carolingienne, les évêques pouvaient punir des laïcs ayant usé de droits ecclésiastiques de la même façon que les clercs ayant manqué de discipline, c'est-à-dire, d'après le 38e canon du Concile d'Agde, par la flagellation 68. Le récit des Annales de Fulda ne trahit donc pas la peur d'une quelconque hérésie, mais une mesure purement disciplinaire en vue du maintien de l'ordre public.
    Daniel Verhelst évoque également l'Exposition sur les sept visions du livre de l'Apocalypse attribuée à Bérengaud et éditée au tome 17 de la Patrologie latine 69. L'auteur estime qu'à son époque, non seulement l'Empire romain a disparu, mais dix rois, les peuples barbares envahisseurs, se sont effectivement partagé sa dépouille. Cela sous-entend que la fin des temps est extrêmement proche, même si l'auteur n'explicite pas cette conséquence 70. Nous disposons cependant de peu d'éléments sûrs à propos de ce texte. Yves Christe observe que son exégèse est historicisante notamment en ce qu'elle abandonne plusieurs récapitulations intermédiaires et conclut: "Je crois cet auteur plus proche de Rupert de Deutz que d'Aimon d'Auxerre, et je le situerais plus volontiers au XIIe s qu'au IXe s" 71 . Tant que la date de ce texte est incertaine, il est délicat d'y voir une manifestation de la croyance en l'imminence de la fin des temps provoquée par les événements contemporains des Carolingiens.
   La Lettre sur les Hongrois qu'on pense être de Remi d'Auxerre fait en revanche allusion à une idée de l'imminence de la fin des temps, suffisamment prise au sérieux pour que deux lettrés échangent sur le sujet des arguments scripturaires 72. L'attribution de cette lettre datant du début du Xe s. est discutée: son dernier éditeur est prudent mais Colette Jeudy considère que le texte est authentiquement rémigien 73. Ecrivant à l'évêque de Verdun, Remi rapporte que de nombreuses personnes, effrayées par les raids hongrois, identifient ces derniers à Gog et Magog, les peuples dévastateurs de la fin des temps, et craignent donc que cette dernière soit déclenchée. Remi argumente en reprenant le Commentaire de Jérôme sur Ezéchiel 38, 2 et, comme sa source, attribue cette erreur aux Juifs et à certains d'entre nous qui judaïsent, c'est-à-dire qui se contentent d'une lecture littérale:

   Comme ce livre s'intitule Apocalypse, c'est-à-dire révélation, qui douterait que tout y est mystique et qu'il nécessite une révélation, c'est-à-dire une explication? C'est pourquoi Gog et Magog ne doivent pas être compris comme des peuples de façon charnelle: par leurs noms, on désigne la persécution monstrueuse des hérétiques, qui, depuis les recoins et les cavernes de l'erreur, se soulevèrent contre la cité de Dieu, c'est-à-dire l'Eglise sainte, à l'instigation du diable? 74

   Il est tout à fait probable que dans le contexte général d'attente de la fin, entretenu par les clercs afin de pousser les fidèles à la pénitence, pour qu'ils soient prêts le moment venu, chaque crise a pu exacerber ces sentiments et favoriser une lecture littérale de certains textes 75. C'est ce que Remi dénonce dans cette lettre, et peut-être est-ce simplement ce danger que la plupart des exégètes carolingiens préviennent dans leurs traités.

   Quels sont finalement les témoignages certains de millénarisme à l'époque carolingienne? On ne repère que les Révélations du pseudo-Méthode, qui ne sont pas considérées comme millénaristes à l'époque, la prédication de Thiota et la lecture littérale d'Ezéchiel 38 dont Remi d'Auxerre se fait l'écho. On pourrait ajouter les calculs hispaniques dans le cadre de la semaine millénaire, aux marges de l'Empire. Le texte de Bérengaud n'étant pas daté, il est difficile de l'utiliser. Les autres passages relèvent de l'eschatologie et de son usage pénitenciel. Les deux seules dénonciations nettes de millénarisme se rapportent à une erreur ponctuelle, intéressée dans un cas, provoquée par l'émotion dans l'autre, davantage qu'à une hérésie. Ces croyances ne sont pas décrites comme dangereuses pour l'unité et l'orthodoxie de l'Eglise. Même si des clercs sont convaincus par Thiota, les lettrés sont manifestement anti-millénaristes, partisans d'une lecture spirituelle des textes que rappelle Remi. Nous ne pouvons, sur ces seuls indices, adhérer à l'interprétation du silence des sources: les carolingiens n'ont pas craint de combattre les hérésies et on garde trace de plusieurs controverses dogmatiques portant sur l'adoptianisme, les questions des images, de la prédestination, de l'âme. Ils n'avaient aucune raison de le taire. Si millénarisme il y eut à l'époque carolingienne, il faut le chercher dans de nouvelles sources. Nous avons vu que la dimension eschatologique de l'Apocalypse avait été neutralisée à l'époque carolingienne. Qu'en est-il de celle du livre de Daniel, beaucoup moins commenté en milieu latin au haut Moyen Age?

Présence du millénarisme dans l'exégèse carolingienne de Daniel?

   On ne connaît aucun commentaire latin sur Daniel entre celui que composa Jérôme à l'aube du Ve s. et ceux de l'époque carolingienne. Entre la fin du VIIIe s. et celle du IXe s. en revanche, on dénombre cinq expositions sur Daniel, peu transmises il est vrai 76, auxquelles il faut ajouter quatre abrégés de l'ensemble du commentaire sur Daniel de Jérôme ou de son seul De Antichristo (Dn 11, 21-12, 13), confectionnés à la fin du VIIIe ou au début du IXe s.77 . On doit ensuite attendre le XIIe s. pour voir s'élaborer de nouveaux commentaires sur Daniel. Ce livre a donc intéressé les carolingiens davantage que leurs prédécesseurs et leurs successeurs immédiats. Est-ce en raison de ses aspects eschatologiques et, si oui, cela a-t-il un rapport avec une éventuelle résurgence du millénarisme?
   Contentons-nous ici de comparer les explications des passages susceptibles de donner lieu à un commentaire portant sur le millénarisme. Il s'agit d'une part de Dn 7, où Jérôme, comme nous l'avons vu plus haut, est explicitement anti-millénariste. Dn 9, 24-27 est une prophétie messianique, annonçant la venue d'un oint au bout de soixante-dix semaines. Cet oint établira une alliance avec une multitude pendant un semaine. Le passage a donné lieu à beaucoup d'interprétations. Jérôme en rapporte onze et propose au lecteur de choisir lui-même parmi elles. La prophétie est généralement considérée comme une annonce de l'incarnation. Jérôme transmet cependant deux interprétations eschatologiques, dont celle, millénariste, d'Apollinaire de Laodicée, qui prédit la fin du monde pour 490 ans après l'incarnation 78. Jérôme conteste la possibilité de dater la fin du monde 79. Les carolingiens ne rapportent jamais cette interprétation, caduque à leur époque, et toutes les explications qu'ils donnent se réfèrent à l'incarnation 80. Dn 11-12 est également interprété par Jérôme de façon eschatologique. En Dn 12, 12, il est dit: "Heureux celui qui attend et parvient à mille trois cent trente-cinq jours", soit, selon Jérôme, quarante-cinq jours après la mort de l'Antéchrist et avant le jugement dernier. On peut se demander comment ces jours sont occupés par les justes: règneraient-ils de façon anticipée, avant le jugement, même de façon céleste, c'est-à-dire non corporelle? Voici ce qu'en dit Jérôme:

   Quant à savoir pourquoi, après la mort de l'Antéchrist, il y a quarante-cinq jours de silence, cela n'appartient qu'à la connaissance divine, à moins d'avancer que le report du règne est une épreuve de la patience des saints 81 .

   Jérôme est donc prudent sur la signification de ce délai et n'y voit en aucun cas une résurrection et un règne terrestre des justes. Reste à savoir comment les carolingiens ont expliqué le passage. Nous donnons donc, dans deux tableaux, leurs interprétations en Dn 7 et en Dn 12, 12. L'unique manuscrit de Raban est lacunaire pour Dn 7 82, et celui de Pierre s'interrompt en Dn 11, 6, sans qu'on sache s'il est inachevé, lacunaire, ou prévu pour finir à cet endroit. Par conséquent nous ne pourrons confronter que quatre exégètes pour chaque lieu.

Auteur

Commentaires de Dn 7 83

Pierre de Pise 84
= Jérôme

Question 45. Et qu'en est-il de: Et je vis que la bête avait été tuée, que son corps avait été détruit et livré au feu pour etre brûlé; qu'aux autres bêtes aussi, la puissance avait été retirée, et que des temps de vie leur avaient été fixés pour un temps et un temps. Dans le seul Empire romain, à cause des blasphèmes de l'Antichrist, tous les royaumes en même temps ont été détruits, et en aucune manière il n'y aura [alors] d'empire terrestre, mais ce sera la demeure des saints et l'avènement du fils de Dieu triomphant. [...]

 

Haymon d'Auxerre 85

7, 7. La quatrième bête [était] terrible. C'est l'empire des Romains différent de tous les royaumes terrestres. Mais le nom de cette bête est tu, afin qu'on comprenne [qu'il s'agit de] la bête la plus terrible à laquelle on puisse penser [...]. Et elle avait dix cornes. On dit qu'à l'arrivée de l'Antéchrist dix rois se partageront le monde romain.
7, 12. Et la puissance des autres bêtes, c'est-à-dire des autres royaumes. Alors en effet, ce sera la fin de tous les royaumes.[...]
7, 18. Et les saints du Dieu très haut recevront le royaume, c'est-à-dire le royaume éternel après la disparition des royaumes du monde et après la mort de l'Antéchrist. [...]
7, 27. Mais le royaume, c'est-à-dire l'immortalité des saints, au-dessus de l'ensemble du ciel, car celui-ci ne sera pas un royaume terrestre mais céleste, sera donné au peuple des saints du Très Haut, c'est-à-dire afin qu'ils soient égaux aux anges saints.

 

Anonyme 86

7, 7. La quatrième bête [était] extrêmement terrible. Par cette dernière est désigné l'empire des Romains, qui fut plus prestigieux et plus puissant que les autres royaumes. Et elle avait dix cornes, c'est-à-dire dix rois sous son commandement.
7, 13-14. Et voici qu'avec les nuées du ciel, c'est-à-dire avec les anges saints. Et il parvint jusqu'à l'Ancien des jours, c'est-à-dire celui qui naquit selon la chair, à partir de là parvint jusqu'au Seigneur Dieu, et reçut de lui la puissance et la gloire éternelle, ainsi que le royaume qui ne sera pas corrompu et qui subsistera sans fin.

Glose anonyme de Saint-Gall 87
= Jérôme

 Dans le seul Empire romain, à cause des blasphèmes de l'Antichrist, tous les royaumes en même temps ont été détruits, et en aucune manière il n'y aura [alors] d'empire terrestre, mais ce sera la demeure des saints et l'avènement du fils de Dieu triomphant...

7, 11-12. Et je vis que la bête avait été tuée, que son corps avait été détruit et livré au feu pour être brûlé; qu'aux autres bêtes aussi, la puissance avait été retirée, et que des temps de vie leur avaient été fixés pour un temps et un temps.

 

Les quatre royaumes, dont il a été question plus haut, ont été terrestres: Car tout ce qui est de la terre retournera à la terre 88, mais les saints n'auront en aucun cas un royaume terrestre, mais le royaume céleste...

 

7, 17-18a. Ces quatre bêtes, ce sont quatre royaumes qui s'élèveront de la terre; puis les saints du Dieu très haut recevront la royauté.

 

Cela est dit de l'empire du Christ qui est éternel.

 

7, 27. Quant à la royauté, à la puissance et à la grandeur du royaume qui s'étend sur tout le ciel.

 

Auteur

Commentaires de Dn 12, 12 89

 

Raban Maur 90
= Jérôme

Quant à savoir pourquoi, après la mort de l'Antéchrist, il y a quarante-cinq jours de silence, cela n'appartient qu'à la connaissance divine, à moins d'avancer que le report du règne est une épreuve de la patience des saints

 

Haymon d'Auxerre

En outre, les quarante-cinq jours ajoutés ici aux précédents entre la mort de l'Antéchrist et le jour du jugement [ont été] accordés aux hommes, croit-on, pour la pénitence de ceux qui ont péché, soit spontanément, soit parce qu'ils y ont été poussés par l'Antéchrist durant ces jours, avant que le Seigneur ne se hâte vers le jugement, afin qu'ils ne périssent pas en même temps que lui dans une damnation éternelle.

 

Anonyme

Pas de commentaire de ce passage

 

Glose anonyme de Saint-Gall 91
= Jérôme

Quant à savoir pourquoi, après la mort de l'Antéchrist, il y a quarante-cinq jours de silence, cela n'appartient qu'à la connaissance divine, à moins d'avancer que le report du règne est une épreuve de la patience des saints.

   Ces deux tableaux montrent la grande influence de Jérôme dans l'exégèse carolingienne de Daniel 92: sur Dn 7, Pierre de Pise et la glose saint-galloise le reprennent de façon littérale, Haymon et l'Anonyme le remanient sans en changer l'orientation. En Dn 12, 12, la proportion est identique: Raban et la glose de Saint-Gall recopient Jérôme mot-à-mot; si l'Anonyme ne commente pas ce verset, Haymon s'écarte de Jérôme, mais sans rapport avec le millénarisme. Pour mieux cerner les rapports de chaque auteur avec un éventuel millénarisme, traitons les successivement.

Pierre de Pise

   L'auteur des 69 Questions et Réponses sur Daniel serait Pierre de Pise, un diacre présent à la cour de Charlemagne dans les années 780; c'est lui qui, selon Eginhard, aurait enseigné la grammaire au souverain. Le seul témoin de ce texte, étudié notamment par Michael Gorman, s'intitule "Livre portant sur diverses questions et leurs réponses, que notre maître le roi Charles a ordonné qu'on transcrive à partir de [l'exemplaire] authentique de Pierre l'archidiacre" 93 . Bernhard Bischoff estime qu'il s'agit d'une copie effectuée peu après 800 dans un scriptorium proche de la cour et non de l'original commandé par Charlemagnev 94. Par ailleurs, le titre montre que le texte existait avant la commande de copie de Charlemagne, sans qu'on sache s'il lui avait été destiné dès le départ 95. Ce qui est certain, c'est que ce texte semble avoir été connu de Charlemagne et de sa cour à la fin du VIIIe s.
   Certains historiens, en particulier Juan Gil, Richard Landes et Wolfram Brandes 96, estiment que l'année 800, celle du couronnement impérial, a eu une portée millénariste perçue par Charlemagne et son entourage. Selon un des modes de calcul de l'âge du monde, celui d'Eusèbe, raréfié à l'époque carolingienne, 800 dans notre ère correspond à l'an 6000 97. 6000 est la date de la fin du monde si l'on considère qu'il y a six âges et que chacun a une durée de mille ans, ce qui, selon Richard Landes, était courant au haut Moyen Age 98. Les Carolingiens auraient changé de système de datation de façon à camoufler la signification millénariste de l'année 800 99. Les Annales de Reichenau indiquent certes, pour l'année 800: 6000 ab initio mundi 100 , montrant que le système de datation précédant survivait. Elles ne mentionnent cependant aucun lien explicite ni avec le couronnement, ni avec la fin du monde. Selon Juan Gil et Richard Landes, la création d'un nouvel Empire à cette date, alors que celui de Byzance aurait été en danger, le trône d'Orient étant occupé par une femme, était une façon de montrer implicitement que les craintes millénaristes étaient infondées. Cela signifierait qu'elles existaient. Juan Gil et Wolfram Brandes notent que plusieurs prodiges sont alors relevés, témoignant de la crainte de l'imminence de la fin des temps. Wolfram Brandes les associe à la diffusion des Révélations du pseudo-Méthode, qui évoquent le règne de paix et de prospérité d'un dernier empereur, ainsi qu'à la signification de l'année 800 dans le calcul eusébien. Il pense donc que le couronnement de Charlemagne en 800 correspondrait à l'instauration de l'empire de la fin des temps. Ces différents arguments ont été critiqués par Sylvain Gouguenheim qui considère que le couronnement impérial n'a pas eu de portée millénariste 101.
   Que dit à ce sujet le texte de Pierre de Pise, qui, s'il ne fut pas composé pour le souverain, fut apprécié de lui? Il n'évoque ce thème qu'à la question 45, qui porte sur Dn 7, 11-12, et rapporte, comme le reste de ses réponses, le commentaire de Jérôme de façon littérale ou presque. Il précise simplement que l'empire ne sera pas terrestre et n'insiste pas davantage sur ce thème dans ses autres questions, à la différence d'Haymon d'Auxerre ou de la glose saint-galloise par exemple. On pourrait certes considérer que le renouvellement de la précision de Jérôme à propos du caractère céleste et non terrestre du règne annoncé suggère que cela n'était pas évident pour tout le monde dans l'entourage de Pierre. Mais en l'absence d'indice explicite, nous considérons que cela est impossible à affirmer.

Raban Maur

   Raban Maur fut, à la génération suivante, abbé de Fulda (822-842) puis archevêque de Mayence (847-856). Silvia Cantelli-Berarducci date son Commentaire sur Daniel de la période où il vécut retiré dans une cellule de Petersberg, entre 842 et 847 102. En Dn 12, 12, Raban reprend textuellement le commentaire de Jérôme. Ici, moins encore que chez Pierre, nous ne pouvons rien affirmer quant à un possible millénarisme.

Haymon d'Auxerre

   Haymon fut moine et maître en sciences scripturaires à Saint-Germain d'Auxerre, entre 840 et 860 environ 103. Il commence donc à écrire au moment où l'Empire carolingien se disloque. Commentant Dn 7, 7-8, Jérôme dit que la quatrième bête est l'empire romain et que ses dix cornes sont les dix rois qui se partageront cet empire à la fin des temps. Même si, au moment où Haymon écrit, l'empire de Louis le Pieux n'est divisé qu'entre trois souverains, on peut se demander si cette partition aurait poussé certains de ses contemporains à songer que la fin du monde était imminente. Le commentaire d'Haymon sur Daniel ne laisse rien entrevoir de tel. Certes, Haymon reprend la précision de Jérôme concernant la royauté céleste et non terrestre du Christ à la fin des temps, mais il n'insiste pas davantage que sa source principale sur ce thème. Les développements eschatologiques d'Haymon dans l'ensemble de son commentaire cherchent avant tout à rappeler le jugement final de Dieu et donc la nécessité de l'humilité et de la pénitence ici-bas: il s'agit de mener chacun à son salut 104. C'est d'ailleurs ce qui ressort de son commentaire sur Dn 12, 12, qui confirme et précise l'interprétation de Jérôme: ce dernier avançait prudemment l'hypothèse de l'épreuve des saints. Haymon est certain que tous ont été éprouvés dans leur vie et qu'ils le seront, à la fin des temps, durant la persécution de l'Antéchrist. Il considère que ce laps de temps doit permettre une pénitence ultime suivant l'épreuve ultime. Haymon, en réformateur carolingien, incite ses lecteurs à se repentir et présente ici un embryon de ce qui devint ensuite le purgatoire: il ne semble pas sensible ici au danger millénariste.

Un anonyme: Wigbod? Remi d'Auxerre? Israël Scot? 105

   Deux manuscrits transmettent un Commentaire sur Daniel très court et qui n'est pas une sélection littérale de passages de Jérôme. Diverses attributions ont été proposées, correspondant à des auteurs de profils et d'époques assez différents. Le premier pourrait être Wigbod, qui fut abbé, prêtre, diplomate et lettré de l'entourage de Charlemagne dans les années 780. Le deuxième serait Remi d'Auxerre. Le troisième auteur possible, Israël Scot, est un breton qui étudia à Rome et mourut à Trèves, au Xe s. Il fut grammairien, poète, philosophe et théologien. Quoi qu'il en soit, ce texte parle bien du royaume éternel, mais n'explicite pas la distinction avec le royaume terrestre. Le fait paraît évident à l'auteur, qui semble encore plus indifférent à un éventuel millénarisme que les précédents.

La glose anonyme de Saint-Gall

   Un dernier commentaire carolingien sur Daniel, qui pourrait s'apparenter, par son genre, aux abrégés du commentaire de Jérôme, est une glose biblique figurant dans Sankt-Gallen Siftsbibliothek 41. Le texte biblique est copié en gros module, dans une colonne centrale, et des gloses qui sont, à une exception près, littéralement extraites du commentaire de Jérôme, figurent dans les marges latérales, en plus petit module. Seul Dn 9, 24-27 est commenté d'après le De temporum ratione de Bède, copié à la fin du texte biblique et non dans les marges de Dn 9, 24-27: le scribe n'a sans doute pas osé découper le texte de Bède et risquer ainsi de désarticuler son calcul. D'après Samuel Berger, le texte biblique présente des variantes typiques de Saint-Gall et a été copié au IXe s. Le même historien avait émis l'hypothèse que l'auteur en était peut-être Walafrid Strabon, abbé de Reichenau au milieu du IXe s, auquel on attribuait alors, à tort, la confection de la Glossa ordinaria 106 . Jean de Blic estime que les preuves ne sont pas suffisantes, et fait remarquer que la glose elle-même a peut-être été copiée plus tardivement, après le texte 107. Il nous paraît cependant certain que texte biblique et gloses ont été prévus pour être copiés au même moment: la mise en page témoigne d'un projet initial de cette nature. Cette glose reprend l'essentiel du Commentaire sur Daniel de Jérôme, et en particulier les trois passages de Dn 7 où Jérôme affirme que le royaume ne sera pas terrestre mais céleste et éternel, et l'explication de Dn 12, 12. Même si ce texte est aussi insistant que celui d'Haymon sur le caractère spirituel de la royauté du Christ, nous ne pouvons ici encore en déduire qu'il réagit à un millénarisme ambiant: l'auteur recopie une grande partie du commentaire de Jérôme, sans qu'on connaisse la motivation précise de chacune de ses sélections.
   Dans l'ensemble, les commentaires carolingiens sur Daniel, comme ceux sur l'Apocalypse ou Matthieu 108,ne développent pas la problématique millénariste: aucun d'entre eux ne reprend la phrase de Jérôme "Que la fable des mille années cesse donc", alors que presque tous utilisent le passage de Jérôme qui précède, en le recopiant mot-à-mot dans la moitié des cas. Cela signifie sans doute que la "fable" en question a cessé et qu'aucun de ces commentateurs ne ressent le besoin de la dénoncer. Si les exégètes carolingiens manifestent un intérêt réel pour l'eschatologie, c'est d'une part pour préciser le déroulement des événements à la fin des temps, d'autre part pour insister sur l'attitude à observer dans le présent en raison de ce futur inéluctable qu'est le jugement dernier. Cela doit être mis en relation avec l'ambition réformatrice des souverains et des clercs carolingiens: les dirigeants de l'Ecclesia se considèrent en effet comme responsables du peuple. Pour cela, il entretiennent la "tension eschatologique": en rappelant aux hommes le scénario de la fin des temps, qui se conclut par une séparation des bons, sauvés, et des mauvais, damnés, on souhaite mener les fidèles à la conversion et au salut, par la pénitence. Cela n'est certes pas incompatible avec une résistance au millénarisme. On relève d'ailleurs, dans tous les textes pour lesquels on a conservé le commentaire de Dn 7, la reprise de la précision anti-millénariste de Jérôme, très atténuée il est vrai dans le commentaire anonyme, qui est peut-être du Xe s. Or la "répétition" n'avait rien d'automatique: à part l'exposition de Raban, tous ces textes sont plus courts que celui de Jérôme. Ils sélectionnent donc les passages qui leur paraissent les plus importants, les plus utiles pour leurs contemporains. Cette reprise est particulièrement nette chez Haymon, fervent augustinien 109, et dans la glose de Saint-Gall. Mais pour y voir le signe d'une réaction à des exemples ponctuels de millénarismes dont on n'aurait pas gardé de trace directe, il faudrait des preuves nettes émanant des mêmes milieux. C'est pourquoi nous allons examiner le cas d'Haymon d'Auxerre, dont on connaît d'autres commentaires, ainsi que le contexte dans lequel il vécut.

Comment interpréter les dénis de l'exégèse carolingienne? Etude du cas d'Haymon d'Auxerre

   Haymon d'Auxerre a commenté tous les livres prophétiques de l'Ancien Testament ainsi que l'Apocalypse. Cela trahit-il davantage que la simple volonté d'entretenir la tension eschatologique et d'inciter à la réforme? Collectons les commentaires de quelques passages susceptibles d'avoir donné lieu à l'expression d'un anti-millénarisme d'Haymon. Nous choisissons les principaux versets ayant été expliqués de cette façon à l'époque patristique, Is 65, 17-25; 2 Th 2, 2-3 et Apc 20, 1-6 ainsi que quelques lemmes des prophètes de l'Ancien Testament à propos desquels Jérôme, source majeure pour la lecture de ces textes au haut Moyen Age, exprimait clairement son anti-millénarisme. Parmi ces derniers, il nous paraît intéressant de lire ce qu'Haymon, avant que Remi n'écrive sa lettre sur les hongrois, avait dit d'Ez 38, 2. Le commentaire de Jérôme sur Joël étant particulièrement dense en attaques anti-millénaristes, nous étudierons rapidement celui d'Haymon.

Is 65, 25

Toutes ces choses, les Juifs les comprennent de façon charnelle, les rapportant au temps des mille ans et à la venue de leur Christ, et ils disent qu'ils bénéficieront alors d'une paix et d'une sécurité telles que les loups, les agneaux, les lions et les bœufs, les serpents et les hommes, mangeront en même temps, demeureront également les uns près des autres, ayant oublié toute dureté, et que ceux qui auront habité le temple ou la montagne sainte seront inoffensifs. De cela, on comprend que tous ceux qui seront demeurés hors de la montagne devront périr. Mais toutes ces choses ont été inventées à partir d'une erreur mensongère. Et afin que nous, trompés par cette erreur judaïque, nous ne comprenions pas que cela doit  s'accomplir de façon charnelle, la parole suivante révèle... 110 .

Ez 38, 2

Les Hébreux, et les nôtres qui judaïsent, dit le bienheureux Jérôme, que Gog et Magog sont des peuples d'une région nordique [...] Comme ils le disent, quand viendra leur messie -que nous croyons, de façon véridique, déjà venu- ils croient toujours qu'il viendra et qu'ils règneront avec lui mille ans dans Jérusalem, et disent qu'ils auront sous leur pouvoir le monde entier. Après ce temps de mille ans, ces peuples sortiront de la région du nord, viendront dans la terre promise, feront la guerre contre les saints, c'est-à-dire les Juifs, et les tueront. Ensuite le Seigneur fera pleuvoir sur eux le feu et le souffre, et ils les jettera dans la damnation éternelle [...]. Mais ce sens est faux. Il est meilleur que par Gog, nous comprenions le diable... 111

Ioel

quatre passages anti-millénaristes chez Haymon, six chez Jérôme

2 Th 2, 2-3

Nous vous prions, frères, pour la venue du Seigneur Jésus, lors du jugement, et pour la venue de notre assemblée en lui, c'est-à-dire de tous les saints qui se tiennent en lui, afin que vous ne vous agitiez pas tout de suite, c'est-à-dire que vous ne vous troubliez pas tout de suite, ni que vous vous épouvantiez comme si le jour du jugement était imminent, ni par l'esprit, c'est-à-dire que si quelqu'un disait avoir été averti par l'esprit saint que le jour du jugement ait été imminent, ne le croyez pas, ne soyez par terrifié par ses paroles ni par son sermon, c'est-à-dire son homélie. Si quelque interprète et exégète des prophètes vous a dit: j'ai rassemblé le sens des prophètes Isaïe, Daniel et d'autres prophèties, et je vois d'avance le jour du jugement arriver, le Christ venir pour le jugement, ne soyez pas terrifiés par cela, ni par la lettre que nous vous avons envoyée. Si quelque pseudo-apôtre a imaginé cela, ne le croyez pas. Puisqu'il ne sera pas venu avant la séparation, de telle sorte que tous les royaumes se sépareront du royaume et de l'empire des Romains; et sera révélé, c'est-à-dire manifesté, l'homme de péché, à savoir l'Antichrist, qui, bien qu'il soit homme, sera cependant la source de tous les péchés... 112.

Apc 20, 1-6

pas de déni explicite, mais une interprétation absolument spirituelle

   Les passages anti-millénaristes d'Haymon sur Joël s'inspirent de ceux de Jérôme 113. La critique que fait ce dernier en 3, 12 est d'ailleurs utilisée par Haymon en 3, 9-11. En 2, 15-17 Jérôme évoquait seulement la croyance juive selon laquelle Gog et Magog envahiront leur royaume à la fin des temps, ce qui est repris par Haymon en 3, 9-11. Dans l'ensemble, Haymon conserve donc les remarques anti-millénaristes de Jérôme en les regroupant. Comme chez le moine de Betléem, l'erreur est généralement attribuée aux Juifs et considérée comme une lecture abusivement littérale. L'opposition entre "eux", qui sont dans l'erreur, qui disent, inventent et "nous", qui comprenons de façon juste, est formalisée de façon très nette par des expressions indiquant la valeur des interprétations et que nous avons fait figurer ci-dessus en caractères gras. On observe exactement la même attitude dans les commentaires sur Isaïe et Ezéchiel, également inspirés de Jérôme. Sur Ezéchiel, Haymon, à la suite du moine de Bethléem, étend l'erreur aux chrétiens qui judaïsent, c'est-à-dire qui se contentent d'une lecture littérale. Il se montre plus bref et surtout moins virulent que Jérôme 114. Raffaele Savigni a comparé l'ensemble du Commentaire sur Isaïe à ses sources, et conclut qu'Haymon atténue fortement l'anti-millénarisme de Jérôme 115. Dans le commentaire d'Haymon sur Apc 20, 1-6, on ne trouve aucune attaque anti-millénariste, mais une interprétation totalement spirituelle. Ambroise Autpert, la source majeure d'Haymon sur ce texte, ne fait à cet endroit aucun commentaire explicitement anti-millénariste. Cela s'explique sans doute par la tradition exégétique de ce texte que nous avons brièvement rappelée plus haut. Cela montre aussi le conservatisme d'Haymon, sa dépendance à l'égard de ses sources. Ses dénis ne doivent donc pas être systématiquement interprétés comme une réaction à un millénarisme contemporain, même si Haymon abrège ses sources et a tendance à abandonner les interprétations critiquées par Jérôme. L'utilisation de l'explication de Jérôme sur Ezéchiel deux générations plus tard par Remi d'Auxerre, à propos d'une lecture littérale appliquée au temps contemporains, peut faire penser que de telles interprétations avaient pu exister auparavant. Cela est d'autant plus possible à l'époque d'Haymon qu'en 858 par exemple, les normands incendièrent l'abbaye de Fleury, très liée à Saint-Germain. Mais nous ne disposons actuellement d'aucune preuve que de telles croyances aient existé à l'époque d'Haymon, à l'inverse de ce qu'on sait pour celle de Remi. Sur 2 Th 2, 2-3 enfin, Haymon s'inspire à nouveau fortement de l'interprétation hiéronymienne. Il s'écarte ici de la lecture religieuse qu'Augustin en avait faite, voyant dans la séparation une apostasie 116. Haymon a donc opéré un choix entre ses deux principaux inspirateurs. Certes, il s'accorde avec la majorité de ses contemporains. Mais comme le souligne Daniel Verhelst, Haymon est l'auteur de "l'élaboration la plus réaliste de 2 Th 2" 117. Cherche-t-il à réfuter une croyance en l'imminence de la fin qui se serait répandue au moment du partage de l'empire de Louis le Pieux, éventuellement perçu comme la fin de l'Empire? Nous n'avons repéré à ce jour aucune source, aucune des Annales proches d'Auxerre qui atteste l'existence de telles croyances au milieu du IXe s 118. Il est donc impossible d'affirmer qu'Haymon réagit à des croyances millénaristes.
   Ce qui est certain, c'est que la principale fonction de l'exégèse est d'encadrer la lecture pour qu'elle soit orthodoxe. L'exégète est un prédicateur, par ses écrits, comme Haymon l'explique à propos de Dn 12, 3:

   Ceux qui auront été savants, c'est-à-dire ceux qui auront eu une sagesse complète et qui auront instruit les autres non seulement en personne, mais aussi par leurs écrits, chaque jour, dans l'Eglise, comme les apôtres et leurs successeurs, Augustin, Jérôme, et beaucoup d'autres docteurs...119.

   Le rôle du prédicateur est triple: il s'agit de veiller, d'annoncer, d'instruire 120. Bède avait d'ailleurs conseillé à Plegwinus d'être très clair, très explicite dans ses sermons, de façons à dissiper toute ambiguité qui pourrait conduire à une interprétation erronée du discours du prêtre et de l'Ecriture:

   Je me rends compte en effet que lorsque l'occasion se présente de faire un sermon à nos frères, et que nous parlons des âges du monde, certains parmi les plus naïfs pensent que nous prédisons les six mille ans. Il y en eut même qui pensèrent que le cours du monde, puisqu'il se déroule selon sept jours, doit se terminer au bout de sept mille ans 121 .

   A l'époque carolingienne, le concile de Tours prescrit un enseignement concernant les fins dernières et insiste sur la nécessité d'être compris des fidèles, quitte à employer la langue vulgaire 122. Les condamnations d'une lecture littérale et millénariste par Haymon et ses contemporains, là où l'orthodoxie considère que l'interprétation doit être spirituelle et se rapporter à l'Eglise, s'expliquent au moins par cet aspect de leur fonction 123. Il est impossible d'affirmer que les exégètes carolingiens réagirent à des croyances millénaristes contemporaines; mais ils estimaient que de telles interprétations, erronées, pouvaient voir le jour s'ils n'étaient pas suffisamment vigilants.
   Dans quelle mesure peut-on parler de millénarisme à l'époque carolingienne? Cela dépend de la définition qu'on donne au terme. S'il s'agit de la croyance dans un règne terrestre et pacifié à la fin des temps, on en trouve trace principalement de façon adaptée, sous la forme du dernier empereur, chez le pseudo-Méthode qui fut lu et considéré comme orthodoxe. S'il s'agit de la fixation de la date de la fin des temps, de la croyance qu'elle est imminente, voire de l'avènement d'un règne terrestre du Christ lui-même, le millénarisme est dénoncé comme hétérodoxe. Mais ce type de millénarisme est rarement attesté et jamais présenté comme une hérésie dangereuse qui serait défendue par des lettrés et menacerait l'unité de l'Eglise. Elle apparaît tout au plus comme une erreur de gens simples que les exégètes, en prédicateurs vigilants, tentent de prévenir en la dénonçant. Dans les sondages que nous avons effectués, les mises en garde émises par les commentateurs carolingiens existent déjà dans leurs sources. Cela montre qu'ils s'inscrivent dans une tradition de prédication écrite. Certes, s'ils ont pensé qu'il fallait prévenir l'erreur, c'est peut-être qu'ils y avaient été confrontés. Et il est vrai qu'au-delà de l'horizon eschatologique permanent, le contexte particulier du milieu du IXe s. aurait pu pousser à lire de façon littérale 2 Th 2, 2-3 à la lumière du partage de l'empire ou Ez 38, 2 et Apc 20, 7 en relation avec les incursions normandes. L'absence de preuve nous interdit cependant de l'affirmer.

Notas

1 Ce texte est la version écrite d'une communication faite le 8 décembre 2005 au séminaire sur le millénarisme dirigé par Madame le Professeur Mireille Hadas-Lebel (Université de Paris IV-Sorbonne, Institut de recherches d'histoire et d'anthropologie des religions). François Dolbeau et Michel Sot l'ont relu et m'ont ainsi permis de l'amender; je les en remercie.

2 Pour cette définition du millénarisme, voir Martine Dulaey, "Jérôme, Victorin de Poetovio et le millénarisme", dans Yves-Marie Duval (éd.), Jérôme entre l'Occident et l'Orient. XVIe centenaire du départ de saint Jérôme de Rome et de son installation à Bethléem. Actes du Colloque de Chantilly (septembre 1986), Paris, Institut des études augustiniennes, 1988, pp. 83-98, spéc. p. 83.        [ Links ]

3 Sylvain Gouguenheim, Les fausses terreurs de l'an mil. Attente de la fin des temps ou approfondissement de la foi?, Paris, Picard, 1999, p. 67.        [ Links ]

4 Sur ce décret, voir Charles Pietri, "Les dernières résistances au subordinationisme et le triomphe de l'orthodoxie nicéenne (361-385)", dans Jean-Marie Mayeur, Charles et Luce Pietri, André Vauchez, Marc Venard (éd.), Histoire du christianisme des origines à nos jours, t. II: Naissance d'une chrétienté (240-430), Paris, Desclée, 1995, pp. 357-398, spéc. p. 394 et Jacques Flamant, Françoise Monfrin, " Une culture 'si ancienne et si nouvelle'", ibid., pp. 623-673, spéc. p. 633. Le décret De libris recipiendis et non recipiendis fut écrit à Rome vers 520; plusieurs décrétales de Gélase furent reprises dans les collections canoniques précédant le décret de Gratien (vers 1140): voir Jean Gaudemet, Les sources du droit de l'Eglise en Occident du IIe au VIIe s., Paris, Cerf-C.N.R.S., 1985, p. 62. Le décret est édité: Ernst von Dobschütz (éd.), Das Decretum gelasianum. De libris recipiendis et non recipiendis, in kritischen Text, Leipzig, J. C. Hinrichs, 1912; les livres millénaristes condamnés figurent en V, 7. Ce texte, connu par de très nombreux manuscrits, a été repris dans le De Numeris du pseudo-Isidore ainsi que dans plusieurs collections canoniques du haut Moyen Age: il était bien connu (ibid., pp. 62-78, 135-188 et 194-200). Concernant la doctrine de ces auteurs, voir Léon Gry, Le millénarisme dans ses origines et son développement, Paris, Picard, 1904, spéc. pp. 82-86 et 109-117.        [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]

5 Gouguenheim, op. cit., p. 202; Norman Cohn, Les fanatiques de l'Apocalypse. Courants millénaristes révolutionnaires du XIe au XVIe s. avec une postface sur le XXe s., Paris, Julliard, 1962 pour la traduction française, p. 33.         [ Links ]

6 Pour cette définition du millénarisme, voir par exemple Bernard Töpfer, "Eschatologie et millénarisme", dans Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt (éd.), Dictionnaire raisonné de l'Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, pp. 360-373, spéc. p. 360. C'est ainsi qu'Augustin fut, tout d'abord, millénariste, comme l'a montré Georges Folliet, " La typologie du sabbat chez saint Augustin. Son interprétation millénariste entre 389 et 400", Revue des Etudes augustiniennes, 2 (3-4) (1956), 371-390, spéc. p. 89. C'est ce millénarisme que vise Jérôme après 406 quand il parle "des nôtres qui judaïsent" (voir Dulaey, op. cit., spéc. p. 92).        [ Links ]         [ Links ]

7 Il s'agit tout particulièrement d'Apc 20, 1-6, de Mt 8, 11 et 26, 29 et d'Is 65, 17-25 ainsi que de textes non-bibliques, tels l'Epître de Barnabé 15, 1-9, ou des apocryphes comme II Baruch 29-30 et IV Esdras 7, 26-27.

8 A propos de la première position, voir Richard Landes, "Lest the millenium be fulfilled: apocalyptic expectations and the pattern of western chronography, 100-800 CE", dans Werner Verbeke, Daniel Verhelst et Andries Welkenhuysen (éd.), The Use and Abuse of Eschatology in the Middle Ages, Leuven, Leuven University Press, 1988, pp. 137-211; "Millenarismus absconditus. L'historiographie augustinienne et le millénarisme du haut Moyen Age jusqu'à l'an mil (1)", Le Moyen Age, t. 98, nros. 3-4 (1992), 355- 377 et " Sur les traces du Millenium: la Via negativa (2e partie)", ibid., t. 99, nro. 1 (1993), 5-26. La deuxième position est représentée en particulier par Gouguenheim, op. cit.        [ Links ]

9  La censure s'exerça notamment à l'égard des cinq derniers chapitres de l'ouvrage Contre les hérétiques d'Irénée de Lyon. De même, il est probable que l'œuvre de Sulpice Sévère ait été partiellement censurée. Enfin, le De spe fidelium de Tertullien, qui exposait des idées millénaristes, est perdu; on ne connaît son contenu que par des témoignages indirects et antiques, ceux de Tertullien lui-même et de Jérôme en particulier. Voir Gry, op. cit., respectivement pp. 76, 117 et 84. A propos de "l'édition" hiéronymienne de Victorin de Pettau, voir M. Dulaey, "Jérôme, 'éditeur' du Commentaire sur l'Apocalypse de Victorin de Poetovio", Revue des Etudes Augustiniennes, 37 (1991), 199-236, spéc. pp. 202, 209 et 216.        [ Links ]

10 Il ne s'agit pas ici de nier l'apport d'autres sources, par exemple celles du comput mises en valeur par Landes ("Lest the millenium... ") ou celles de la pratique liturgique et funéraire, exploitées par Henri Leclercq (H. Leclercq, "Millénarisme", dans Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, Letouzey et Ané, t. XI, 1933, c. 1181-1195, spéc. c. 1192-1194). Mais la prédication carolingienne s'est appuyée avant tout sur diverses sources d'origine exégétique, comme le prouvent les liens entre homéliaires et traités exégétiques à l'époque carolingienne (voir Henri Barré, Les homéliaires carolingiens de l'Ecole d'Auxerre. Authenticité-Inventaire-tableaux comparatifs-initia, Studi e testi 225, Città del Vaticano, Biblioteca apostolica vaticana, 1962, spéc. pp. 10, 12, 15-16, 29-30, p. 66-67; J. Longère, "La prédication en langue latine", dans Pierre Riché et Guy Lobrichon (éd.), Le Moyen Age et la Bible, Paris, Beauschesne, 1984, pp. 517-535, spéc. p. 521). Certes, les homélies de cette époque ne reflètent pas la prédication directe aux fidèles mais constituent des œuvre d'édification pour la méditation personnelle des lettrés et des aides pour préparer des sermons. Si ces derniers simplifiaient les homélies, nul doute qu'ils s'en inspiraient également. Voir Barré, op. cit., pp. 1 et 4 etJean Longère, La prédication médiévale, Paris, Etudes augustiniennes, 1983, p. 41.        [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]

11 Landes, "Lest the millenium...", spéc. pp. 181-191.

12 Gouguenheim, op. cit., pp. 56-63.

13 Silvia Cantelli-Berarducci, "L'esegesi della Rinascita carolingia", dans G. Cremascoli-C. Leonardi (éd.), La Bibbia nel Medio Evo, Bologne, Dehoniane, 1996, pp. 167-198, spéc. pp. 169-170, montre que la production exégétique carolingienne est plus abondante et plus originale que celle de la période précédente.         [ Links ]

14 Pour l'Apocalypse, voir les indications bibliographiques données plus bas, à la note 33. Sur II Th, voir notamment Daniel Verhelst, "La préhistoire des conceptions d'Adson concernant l'Antichrist ", Recherches de théologie ancienne et médiévale, 40 (1973), 52-103, spéc. pp. 53-54, 67-68, 75 et 88-91.         [ Links ]

15 Dulaey, "Jérôme, 'éditeur' du Commentaire... ", spéc. p. 205 et Id., "Jérôme, Victorin de Poetovio...", spéc. pp. 84-85 et 88-90.

16 Régis Courtray, Le Commentaire sur Daniel de Jérôme, traduction, notes et commentaire, édition critique du De Antichristo, menée sous la direction de G. Sabbah, soutenue en septembre 2004 à l'Université de Lyon II et actuellement en cours de publication, t. I, p. 10-12.        [ Links ]

17 Ecl 3, 20.

18 "Dn 7, 11-12. Et vidi qvoniam interfecta esset bestia, et perisset corpvs eivs, et traditvm esset ad combvrendvm igni; aliarvm qvoqve bestiarum ablata esset potestas, et tempora vitae constitvta essent eivs vsque ad tempvs et tempvs. In uno romano imperio propter Antichristum blasphemantem omnia simul regna deleta sunt, et nequaquam terrenum imperium erit sed sanctorum conuersatio et aduentus filii dei triumphantis. [...] Dn 7, 17-18a. Hae bestiae qvattvor, qvattvor regna consvrgent de terra; svscipient avtem regnvm sancti dei altissimi. Quattuor regna, de quibus supra diximus, fuere terrena : Omne enim quod de terra est reuertetur in terram, sancti autem nequaquam habebunt terrenum regnum sed caeleste. Cessat ergo mille annorum fabula. [...] Dn 7, 27. Regnvm avtem et potestas et magnitvdo regni qvae est svper omne caelvm. Hoc de christi imperio quod sempiternum est". Voir S. Hieronymi presbyteri, Commentariorum in Danielem libri III <IV> (éd. François Glorie), Turnhout, Brepols, CCSL 75 A, trad. Courtray, op. cit., t. II. Le texte latin et la traduction du Commentaire sur Daniel de Jérôme seront donnés d'après ces deux ouvrages.

19 "Nam mille annorum regnum non arbitror esse terrenum : aut si ita sentiendum est, completis annis mille regnare desinunt. Sed, ut mei sensus capacitas sentit, proferam. Denarius numerus decalogum significat, et centenarius uirginitatis coronam ostendit. Qui enim uirginitatis integrum seruauerit propositum et decalogi fideliter praecepta impleuerit [...] iste [...] millenarium numerum perficiens integre creditur regnare cum Christo et recte apud eum ligatus est diabolus" -Victorin de Poetovio, Sur l'Apocalypse, suivi du Fragment chronologique et de la construction du monde (éd et trad. M. Dulaey), Paris, Cerf, 1997, SC 423-; voir aussi Dulaey, "Jérôme, 'éditeur'...", p. 208.         [ Links ]

20 Georges Folliet, "La typologie du sabbat chez saint Augustin. Son interprétation millénariste entre 389 et 400", Revue des Etudes augustiniennes, 2 (3-4) (1956), 371-390, spéc. p. 371. Augustin refuse cependant la possibilité de dater la fin du monde dès 392, dans son exégèse du ps 6: voir Jean-Paul Bouhot, "Hésychius de Salone et Augustin. Lettres 197-198-199", dans Anne-Marie de la Bonnardière(éd.), Saint Augustin et la Bible, Paris, Beauchesne, 1986, pp. 229-250, spéc. p. 229. Son exposé le plus développé sur la fin du monde se trouve dans cette correspondance qui eut lieu entre 418 et 420 (ibid.).        [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]

22 Hillgarth, op. cit., p. 33.

23 Verhelst, op. cit., p. 83 et Gougenheim, op. cit., pp. 74-75.

24 Augustin a en effet été millénariste, en ce qu'il a cru en un règne terrestre du Christ de façon modérée. Mais ce n'est pas cette position, qu'il récuse ici, que le Moyen Age a retenu de lui: voir Folliet, op. cit., spéc. p. 390.

25 "Qui propter haec huius libri uerba primam resurrectionem futuram suspicati sunt corporalem, inter cetera maxime numero  annorum mille permoti sunt, tamquam oporteret in sanctis eo modo uelut tanti temporis fieri sabbatismum, uacatione scilicet sancta post labores annorum sex milium [...] Quae opinio esset utcumque tolerabilis, si aliquae deliciae spiritales in illo sabbato adfuturae sanctis per Domini prasentiam crederentur. Nam etiam nos hoc opinati fuimus aliquando. Sed cum eos, qui tunc resurrexerint, dicant inmoderatissimis carnalibus epulis uacaturos, in quibus cibus sit tantus ac potus, ut non solum nullam modestiam teneant, sed modum quoque ipsius incredulitatis excedant : nullo modo ista possunt nisi a carnalibus credi". Voir Œuvres de saint Augustin : La Cité de Dieu, livres XIX-XXII, Triomphe de la cité céleste, (éd Bernhard Dombart et Alfons Kalb, trad. Gustave Combès, notes Gustave Bardy), Paris, Institut des Etudes augustiniennes, 1960, 20, 7, 1 (Bibliothèque des Etudes Augustiniennes, t. 37, cinquième série).        [ Links ]

26 Ibid., 20, 7, 2: "Mille autem anni duobus modis possunt, quantum mihi occurrit, intellegi : aut quia in ultimis annis mille ista res agitur, id est sexto annorum miliario tamquam sexto die, cuius nunc spatia posteriora uoluuntur secuturo deinde sabbato, quod non habet uesperam, requie scilicet sanctorum, quae non habet finem, ut huius miliarii tamquam diei nouissimam partem, quae remanebat usque ad terminum saeculi, mille annos appellauerit eo loquendi modo, quo pars significatur a toto ; aut certe mille annos pro annis omnibus huius saeculi posuit, ut perfecto numero notaretur ipsa temporis plenitudo".

27 L'Epître de Barnabé (vers 120) offre la possibilité de dater la Parousie en considérant que l'âge du monde correspond à la semaine de la création, chaque jour de cette dernière correspondant à une durée de mille ans dans l'histoire: "Cela veut dire que le Seigneur amènera l'univers à son terme en six mille ans. Car un jour pour lui signifie mille ans. [...] Ainsi, mes enfants, c'est en 'six jours', en six mille ans, que l'univers parviendra à son terme. 'Et il se reposa le septième jour'. Cela veut dire: Lorsque son fils sera venu pour mettre fin au temps de l'Inique, pour juger les impies [...] alors il se reposera  vraiment pendant le septième jour. [...] je ferai le commencement d'un huitième jour, c'est-à-dire le commencement d'un autre monde". Voir Epître de Barnabé (éd. R. A. Kraft, trad. P. Prigent), Paris, Cerf, 1971 (SC 172). Si le pseudo-Barnabé n'est pas explicitement millénariste, son texte a donné lieu à des interprétations qui le furent. Hippolyte combine cette théorie du sabbat avec la datation de l'âge du monde calculé d'après les durées indiquées ds la Bible; il considère que le Christ s'est incarné au milieu du sixième jour en se fondant sur Ex 25, 10-11 et Io 19, 14. Il appuie la correspondance entre un jour et mille ans sur le ps 90, 4 et II Pt 3, 8. Si l'incarnation est survenue la 5500e année à partir de l'âge du monde, la Parousie arrivera en 500 après l'Incarnation. Voir Hippolyte, Commentaire sur Daniel 4, 23-24 (éd. et trad. Maurice Lefèvre), Paris, Cerf, 1947 (SC 14).         [ Links ]         [ Links ]

28 Augustin, La Cité de Dieu, t. 36, Livres XV-XVIII: Luttes des deux cités, Paris, Institut des Etudes augustiniennes, 1960, XVIII, 53, 1: "Coniecturis quippe utunutur humanis, non ab eis aliquid certum de scripturae canonicae autoritate profertur. Omnium uero de hac re calculatium digitos resoluit et quiescere iubet ille, qui dicit: Non est uestrum scire tempora, quae Pater posuit in sua potestate".

29 "[...] maiorum statim libros reuolui et quod in eorum commentariis de mille annorum regno repperi Victorini opusculis sociaui ablatis inde quae ipse secundum litteram senserit" -Victorin de Poetovio, op. cit.- Sur la correction anti-millénariste de ce commentaire par Jérôme, voir Dulaey, "Jérôme, 'éditeur'...", spéc. pp. 209 et 216.

30Martine Dulaey, Victorin de Poetovio, premier exégète latin, Paris, Institut des Etudes Augustiniennes, 1993, t. I, pp. 102-105 à propos de la récapitulation. Martine Dulaey a par ailleurs montré que Jérôme a repris pour l'essentiel le commentaire de Victorin dans l'édition qu'il en a faite (ID., "Jérôme, 'éditeur'...") .        [ Links ]

31 Voir la notice de M. Dulaey, "Tyconius", dans Dictionnaire de spiritualité, t. XV, 1991, c. 1349-1356, spéc. c. 1352. Dans un précédent article, Martine Dulaey nuançait fortement l'inspiration tyconienne d'Augustin pour commenter ce passage de l'Apocalypse: id., " L'Apocalypse. Augustin et Tyconius", dans Saint Augustin et la Bible..., pp. 369-386. Néanmoins les deux auteurs se retrouvent en ce qu'ils interprètent la première résurrection comme celle des chrétiens dans l'Eglise présente et non de façon eschatologique.         [ Links ]

32 Hillgarth, op. cit., p. 33.

33 Ibidem.

34 Nous nous contentons ici d'évoquer les principales expositions sur l'Apocalypse. Sur la filiation de ces textes, voir les introductions et apparats des sources des éditions de commentaires sur l'Apocalypse au haut Moyen Age par Roger Gryson -Bedae presbyteri, Expositio Apocalypseos (éd. Roger Gryson), Turnhout, Brepols, 2001 (CCSL 121 A), spéc. p. 153-154 à propos de Tyconius et Variorvm avctorvm, Commentaria minora in Apocalypsin Johannis, scilicet Apringi Pacensis Tractatus fragmenta, Cassiodori senatoris Complexiones, Pauca de Monogramma excerpta, Incerti Auctoris Commemoratorium, De enigmatibus ex Apocalypsi, Commemoratorium a Theodvlfo auctum (éd. Roger Gryson), Turnhout, Brepols, 2003 (CCSL 107)-. Roger Gryson souligne qu'Apringius est le seul qui n'utilise pas Tyconius et il mentionne l'existence de deux autres commentaires sur l'Apocalypse du haut Moyen Age, l'un de la première moitié du VIIIe s, perdu, et l'autre, conservé dans Cambridge, U. L. D d.X.16 du Xe s., inédit (Gryson, introduction des Variorvm avctorvm, Commentaria minora..., pp. 7, 9, 237-239, 300). Sur Beatus, voir Roger Gryson, "Le commentaire de Tyconius sur l'Apocalypse", Vetus Latina 49. Arbeitsbericht der Stiftung, 38 (2005), 41-47; Yves Christe, "Beatus et la tradition latine des commentaires sur l'Apocalypse ", A.A.V.V., dans Actas del simposio para el estudio de los códices del Comentario al Apocalipsis de Beato de Liébana, Madrid, Joyas Bibliográficas, 1978, t. I, pp. 53-73, spéc. pp. 55-57; Noureddine Mezoughi, "Beatus et les "Beatus", dans Beatus de Liébana, Commentaires sur l'Apocalypse et le livre de Daniel, édition en fac-similé du manuscrit de l'abbaye de Saint-Sever, conservé à la Bibliothèque nationale de Paris sous la cote Ms. lat. 8878 (éd. Xavier Barral I Altet, Manuel C. Diaz y Diaz, Elisabeth Magnou-Nortier, Noureddine Mezoughi et Yolanda Zaluska), Madrid, Edilan, 1984, t. II, pp. 22-30. Sur Bède, voir Jean-Marc Vercruysse, " Bède lecteur de Tyconius dans l'Expositio Apocalypseos", dans Stéphane Lebecq, Michel Perrin, Olivier Szerwiniack (éd.), Bède le Vénérable entre tradition et postérité. Colloque organisé à Villeneuve d'Ascq et Amiens  du 3 au 6 juillet 2002, Lille, Ceges, 2005, pp. 19-30. Voir les études synthétiques de Guy Lobrichon, "L'ordre de ce temps et les désordres de la fin. Apocalypse et société, du IXe à la fin du XIe s.", dans The Use and Abuse of Eschatology..., pp. 221-241 puis dans Guy Lobrichon, La Bible au Moyen Age, Paris, Picard, 2003, pp. 129-144 et Edith Ann Matter, " The Apocalypse in Early Medieval Exegesis", dans Richard Kenneth Emmerson et Bernard McGinn (éd.), The Apocalypse in the Middle Ages, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1992, pp. 38-50.        [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]

35 Lobrichon, op. cit., spéc. p. 130.

36 Ce texte est édité par Willem Johan Aerts, George A. A. Kortekaas, Das Apokalypse des Pseudo-Methodius. Die ältesten grieschischen und lateinischen Übersetzungen, Leuven, 1998, CSCO 569 (pp. 70-199) et 570. Il est traduit partiellement par Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi, La fin des temps. Terreurs et prophéties au Moyen Age, Paris, Stock, 1982, pp. 17-34. Voir aussi Verhelst, op. cit., pp. 94-97.        [ Links ]         [ Links ]

37 On conserve environ 220 témoins: voir Aerts et Kortekaas, op. cit., pp. 19 et 31-34; Verhelst, op. cit., p. 95. Seuls huit manuscrits des cinq commentaires carolingiens sur Daniel survivent, dont sept sont antérieurs au XIIe s.

38 Ps 67, 32.

39 Pseudo-Méthode, Révélations, ch. 10, 2-3: "Omnes enim principatus et potestas huius mundi distruetur absque hunc. Namque hic oppugnatur et non superabitur, et omnes gentes qui cum eo confligunt conterentur uel consumentur ab eo, et obtenebit, donec ultima hora perueniet, et haec preueniet manus eius Deo, etiam secundum apostolum dicentem: cumque distruetur omnes pirncipatus et potestas uniuersa et ispe filius tradederit regnum deo patri" (pp. 129-131 dans Aerts et Kortekaas (éd.), trad. de Carozzi et Taviani-Carozzi, op. cit., p. 20, dont la ponctuation a légèrement été modifiée ici pour s'adapter à l'édition la plus récente du texte latin).

40 I Th 5, 3; Mt 24, 37-38.

41 Pseudo-Méthode, Révélations, ch. 13, 13-18; trad. Carozzi et Taviani-Carozzi, op. cit., po. 29-30 et Aerts et Kortekaas (éd.), op. cit., p. 177-181:"Et erit rex Romanorum inponens iugum suum super eos septiens tantum quod erat iugum eorum super terra. [...] et tunc pacificabitur terra, que ab eis fuerat distituta, et rediet unusquisque in terram suam et in hereditatem patrum suorum [...]. Et omnes indignatio et furor regis Romanorum super eos, qui abnegauerunt dominum nostrum Iesum Christum exardiscit, et sedebit terra in pace. Et erit pax et tranquillitas magna super terra qualis nondum est facta, sed neque fiet similis illa eo quod nouissima est et in fine saeculorum. Erit enim laetitiam super terram et commorabuntur hominis in pace et reaedificabunt ciuitates et liberabuntur sacerdotes de necessitatibus suis et requiescent homines in tempore illo a tribulationibus suis. Et haec est pax, quam beatus apostolus exposuit [...]. In hac igitur pacem sedebunt homines super terra cum gaudio et laetitia commedentes et sese potantes, nubentes et dantes ad nuptias exultantes et gaudentes et aedificationes construentes, et non erit in corde eorum timor uel solicitudo".

42 Gouguenheim, op. cit., spéc. pp. 207-208.

43 Verhelst, op. cit., pp. 52-53 et p. 102-103.

44 Trad. Carozzi et Taviani-Carozzi, op. cit., p. 42 et édition dans Adso Dervensis, De ortu et tempore Antichristi (éd. Daniel Verhelst), Turnhoult, Brepols, 1976 (CCCM 45): "Hoc autem tempus nondum uenit, quia, licet uideamus Romanum imperium ex maxima parte destructum, tamen, quandiu reges Francorum durauerint, qui Romanum imperium tenere debent, Romani regni dignitas ex toto non peribit, quia in regibus suis stabit. Quidam uero doctores nostri dicunt, quod unus ex regibus Francorum Romanum imperium ex integro tenebit, qui in nouissimo tempore erit et ipse erit maximus et omnium regum ultimus. qui, postquam regnum suum feliciter gubernauerit, ad ultimum Hierosolimam ueniet et in monte Oliueti sceptrum et coronam suam deponet. Hic erit finis et consummatio Romanorum christianorumque imperii".        [ Links ]

45 Voir par exemple Gouguenheim, op. cit., spéc. pp. 78-88.

46 Verhelst, "La préhistoire...", pp. 100-101.

47 Agobard fut archevêque de Lyon entre 816 et 840, sous le règne de Louis le Pieux.

48 II Tim 3, 1-2

49 Agobardvs, De insolentia Iudaeorum, PL 104, c. 69B (cité par Verhelst, " La préhistoire... ", p. 93, note 213: "Cur deus omnipotens, qui uos ante tempora praesciuit et praeordinauit rectorem pium futurum temporibus ualde necessariis sublimauerit prudentiam uestram et studium religionis supra caeteros uestri temporis mortales ; dubium non est praeparandum uos ad remedium temporibus periculosis, de quibus apostolus loquitur : In nouissimis diebus instabunt tempora periculosa... de quibus nihil est expectandum quod iam non uideatur, nisi solutio satanae[...]".

50 Gouguenheim, op. cit., p. 65. Augustin a écrit sur la nécessaire vigilance de tout chrétien: voir Bouhot, op. cit., pp. 238-239.

51 Landes, "Lest the millenium...".

52 Id., "Sur les traces du Millenium... ", p. 16.

53 Gouguenheim, op. cit., pp. 56-63 et 105-107.

54 R. Landes donne plusieurs exemples, y compris dans le monde carolingien, de notes pouvant laisser penser que ce mode de calcul avait pour le scribe une signification qu'il n'explicitait pas par écrit. Voir par exemple, Landes, "Lest the millenium... ", p. 189; à propos des attestations hispaniques, voir ibid., pp. 192-194; Gil, op. cit., pp. 219-220 et Gougenheim, op. cit., p. 98.

55 Epistola episcoporum Hispaniae ad episcopos Galliae, Aquitaniae et Austriae, 17, PL 101, c. 1330 C, citée par Paul Alphandéry, " De quelques faits de prophétisme dans des sectes latines antérieures au joachimisme", Revue de l'histoire des religions, 52 (1905), 177-218, spéc. p. 181; Landes, " Lest the millenium...", note 217, p. 194 et Verhelst, " La préhistoire...", note 182, p. 86.        [ Links ]

56 Landes, "Lest the millenium be fulfilled...", pp. 193-194 et Gouguenheim, op. cit., pp. 71, 98, 207.

57 Voir Mezoughi, op. cit., p. 29; Christe, op. cit., spéc. pp. 55-57.

58 Landes, "Lest the millenium be fulfilled...", pp. 193-194.

59 "Supersunt ergo anni de sexto miliario XIV: finiet quoque sexta aetas in era XCCCXXXVIII. Residuum saeculi tempus humanae inuestigationis incertum est: omnem enim de hac re quaestionem Dominus noster Ihesus Christus abstulit, dicens Non est uestrum scire tempora uel momenta, quae Pater posuit in sua potestate, et alibi, De die autem illa et hora nemo scit, neque angeli caelorum neque Filius, nisi Pater solus. Et quia diem dixit et horam, aliquando pro tempore dicuntur, aliquando uero simpliciter intelleguntur, ut sciatis. In ueritate sexto millesimo anno finiendus erit mundus. Vtrum inpleantur an minuantur, soli Deo cognitum est. [...] Et sicut sexto die finito nihil legimus Dominum operatum, nisi cessasse ab operibus et requieuisse, ita credimus sexto miliario (utrum finito an non) diem resurrectionis esse, qua die aut hora, ut ait ipse Dominus, nemo scit, neque angeli caelorum, nisi Pater solus. [...] Sed, quia reuoluente hoc die in calculo, multi dominici dies efficiuntur, quo tempore, quo anno, qua hora, qua die, qua era resurrectio sit nescimus : utrum minuat de istis XIIII annis, solus Deus scit" -Sancti Beati a Liebana, Commentarius in Apocalypsin (éd. Eugenio Romero-Pose), Rome, 1985, t. 1, livre IV (Incipit storia centum quadraginta quattuor milia in libro quarto)-. Le décompte des quatorze années est omis dans Rome, Bibl. Cormania 369, du XIe s.

60 Mezoughi, op. cit., pp. 27 et 29.

61 Verhelst, "La préhistoire...", p. 92.

62 J. Nelson, Charles le Chauve, 1992, Paris, Aubier, 1994 pour la traduction française par Denis-Armand Canal, pp. 18-21.        [ Links ]

63 Hincmar, De praedestinatione dissertatio posterior, 27 (PL 125, 275-283) et De diuortio Lotharii et Tetbergae, Interrogatio,15 (PL 125, 718A), signalés par Verhelst, "La préhistoire...", p. 92.

64 Gratiosus fut archevêque de 784 à 795 (Bonifacius Gams, Series episcoporum ecclesiae catholicae, Ratisbonne, G. J. Manz, 1873).

65 Ce passage est signalé par Verhelst, "La préhistoire...", p. 92. Voir Liber pontificalis siue uitae pontificum Rauennatum, pars II, vita Gratiosi, cap. 2 (PL 106, 739D): "Nam in cunctis regionibus terrae erunt inopes reges, et diligentes munera, et oppriment populos sibi subjectos, et peribit Romanum Francorum imperium et sedebunt reges super Augustale solium et minuentur omnia, et praecellent serui dominum suum, et his mugiet terra et elementa dehiscent, et confidet unusquisque in gladio suo, et omnia terrae corda fremebunt et deficerint seniores et iuuenes exaltabuntur et non recordabuntur antiqua praecepta".

66 Annales fuldenses, pars secunda, auctore Ruodolfo, an. 847: "Per idem tempus mulier quaedam de Alamanniae partibus, nomine Thiota, pseudoprophetissa, Mogontiacum uenit, quae Salomonis episcopi parrochiam suis uaticiniis non minime turbauerat. Nam certum consummationis seculi diem, aliaque per eodem anno ultimum diem mundo imminere paedicabat. Vnde multi plebeii utriusque sexus timore perculsi, ad eam uenientes munera illi ferebant, seque orationibus illius commendabant: et, quod grauius est, sacri ordinis uiri doctrinas ecclesiasticas postponentes, illam quasi magistram coelitus destinatam sequebantur. Haec in praesentiam episcoporum apud sanctum Albanum deducta et diligenter de suis assertionibus requisita, presbyterum quendam sibi ea suggessisse, et se talia quaestus causa narrasse professa est. Quapropter synodali iudicio publicis caesa flagellis, ministerium praedicationis, quod inrationabiliter arripuit et sibi contra morem ecclesiasticum uindicare praesumpsit, cum dedecore amisit, suisque uaticiniis tandem confusa finem imposuit" -MGH SS, t. I, Georg Heinrich Pertz (éd.), Hannover, 1826, p. 365, signalé par Alphandéry, op. cit., pp. 182-183-. La prophétesse évoquée en 848 par Sigebert de Gembloux et signalée par Daniel Verhelst semble être la même: "Quaedam pseudoprophetissa dicens instare diem iudicii, Moguntiam sollicitabat, ita ut etiam aliquos sacri ordinis ad se inclinaret ; quae ab archiepiscopo correpta, confessa est, se per suggestionem cuiusdam presbiteri quaestus causa hoc fecisse"(Sigeberti Gemblacensis, Chronographia, année 848 (éd. Ludwig Conrad Bethmann, MGH, SS, t. 6, Hannover, 1844, p. 339). Voir aussi Verhelst, "La préhistoire...", p. 92.

67 Alphandéry, op. cit., p. 182.

68 Ibid., pp. 182-183.

69 Verhelst, "La préhistoire... ", p. 89.

70 "Eamdem itaque significationem habent decem cornua in hoc loco, quam et illa habuisse dicuntur; significant quippe ea regna, per quae Romanum imperium destructum est. Partem namque Asiae per se primitus abstulerunt: postea uero Saraceni totam subegerunt : Vandali Africam sibi uindicauerunt, Gothi Hispaniam, Longobardi Italiam, Burgundiones Galliam, Franci Germaniam, Hunni Pannoniam: Alani autem et Sueui multa loca depopulati sunt, quae eorum subjacebant ditioni" (PL 17, 914 C).

71 Christe, op. cit., note 5, p. 57.

72 Remi fut moine puis maître à Saint-Germain dans la deuxième moitié du IXe s., puis à Reims à la fin du IXe s et enfin enseignant à Paris au début du Xe s.

73 Voir Robert Burchard Constantin Huygens, "Remigiana. Lettres attribuées à Remi d'Auxerre", dans Id., Serta mediaevalia. Textus uarii saeculorum X-XIII in unum collecti, Turnhout, 2000, CCCM 171, pp. 25-55, spéc. pp. 46-55 pour la lettre sur les Hongrois et C. Jeudy, "Remigii autissiodorensis opera (Clavis)", dans Dominique Iogna-Prat, Colette Jeudy et Guy Lobrichon (éd.), L'École carolingienne d'Auxerre de Muretach à Remi (830-908). Entretiens d'Auxerre 1989, Paris, Beauschesne, 1991, pp. 457-500, spéc. p. 498.        [ Links ]         [ Links ]

74 "Cum ergo liber iste Apocalipsis, id est reuelationis, titulo prenotetur, quis dubitet totum hoc esse misticum et reuelatione, hoc est expositione, indigere?" (éd. Huygens, p. 51).

75 Verhelst, dans " La préhistoire... ", p. 87, dit aussi : "[...] l'Apocalypse exhortait tout le monde à être prêt. La misère actuelle n'était rien par rapport à celle qui devait venir à la fin. On continuait à lire, à interpréter et à commenter l'Apocalypse. Chaque fois que l'Occient était bouleversé par une catastrophe inhabituelle, on interrogeait de nouveau les textes eschatologiques en s'efforçant d'éviter les conceptions millénaristes. Cet intérêt, nourri continuellement par l'inquiétude de l'homme, semble être un élément important dans la mentalité religieuse du moyen âge".

76 On conserve en tout huit manuscrits de ces textes, un pour Pierre de Pise -Bruxelles, Bibliothèque Royale II 2572 (f.1v-16v)-, un pour Raban Maur, un pour une glose anonyme de Saint-Gall, deux pour un anonyme, et trois pour Haymon d'Auxerre.

77 Ces manuscrits ont été copiés jusqu'au Xe s. au moins. Il s'agit, pour le De Antichristo, d'Albi B. M. 29 (f. 68v), datant de la 2e moitié du VIIIe siècle et probablement originaire d'Espagne ou de Septimanie; de Laon, B. M. 265, IXe s., originaire de Laon (f. 51r-57v) et de Bruxelles, Koninklijke Bibliotheek II 989 (Phillipps 3793-1387), datant du Xe s. et originaire de St-Ghislain (f. 200r-202r). L'ensemble du Commentaire sur Daniel est abrégé dans Paris, B. N. lat. 15679 (pp. 219-225), datant du IXe siècle et originaire de Saint-Mesmin. Voir R. Courtray, "Nouvelles recherches sur la transmission du De Antichristo de Jérôme", Sacris Erudiri,43 (2004), 33-53, spéc. pp. 35-39, 45-46 et 49.

78 Les 490 ans sont le résultat des soixante-dix semaines (70 x 7).

79 Jérôme, Comm. in Danielem, 9, 24-27: Apollinaire de Laodicée, se dégageant de toute la question des temps passés, étend ses vœux vers le futur et avance dangereusement une opinion sur des choses incertaines -si ceux qui vivront après nous ne voient pas qu'elles se sont accomplies au temps fixé, force leur sera de chercher une autre solution et d'accuser le maître d'erreur- ("Apollinaris Laodicenus, omni praeteritorum temporum se liberans quaestione, uota extendit in futurum et periculose de incertis profert sententiam - quae si forte hii qui post nos uicturi sunt statuto tempore completa non uiderint, aliam solutionem quaerere compellentur et magistrum erroris arguere).

80 Sur ce sujet, on peut compléter le témoignage des commentaires sur Daniel par d'autres textes, chroniques, comput ou expositions sur Matthieu, qui ont été partiellement recensés par Franz Fraidl, Die Exegese der siebzig Wochen Daniels in der alten und mittleren Zeit, Graz, Leuschner und Lubensky, 1883. Il ressort de cette étude que sur les sept textes expliquant ce passage à l'époque carolingienne, un seul est eschatologique; cependant, il ne date pas la fin des temps (ibid., pp. 106-108).

81 Jérôme, Comm. in Danielem, 12, 12: "Quare autem, post interfectionem Antichristi, quadraginta quinque dierum silentium sit, diuinae scientiae est, nisi forte dicamus: dilatio regni sanctorum patientiae comprobatio est".

82 Il manque en effet deux cahiers de ce témoin; nous ne conservons donc pas le commentaire de Dn 4, 19 - 8, 26.

83

Pierre de Pise
= Jérôme

"Quid est: Et vidi qvoniam interfecta esset bestia, et perisset corpvs eivs, et traditvm esset ad combvrendvm igni, aliarvm qvoqve bestiarvm ablata esset potestas, et tempora vitae constitvta essent eis vsqve ad tempvs et tempora? In uno Romano imperio propter Antichristum blasphemantem, omnia simul regna deleta sunt, et nequaquam terrenum imperium erit, sed sanctorum conuersatio et aduentus filii dei triumphantis".

Haymon d'Auxerre

"7, 7. Bestia qvarta terribilis. Romanorum est imperium omnibus terrenis regnis dissimile. Nomen uero istius bestię idcirco reticetur, ut quidquid terribilius cogitari potest intellegatur; [...] Et habebat cornva decem. Dicunt in aduentu Antichristi reges decem orbem diuisuros romanum. 7, 12. Aliarvm qvoqve bestiarvm, id est aliorum regnorum potestas. Tunc enim regna omnia finientur. [...] 7, 18. Svscipient avtem regnvm sancti dei altissimi, id est regnvm ęternum post mundi regna finita et post mortem Antichristi. 7, 27. Regnvm avtem, id est inmortalitas sanctorum, svper omne cęlvm, quia non erit illud regnvm terrenum sed cęleste, detvr popvlo sanctorvm altissimi, id est ut sint sanctis angelis ęquales".

Anonyme

"7, 7. Ecce bestia qvarta terribilis nimis. Per istam designatur imperium Romanorum quod ceteris regnis excelsius ac fortius fuit. Et habebat cornua X, id est decem reges sub suo imperio. 7, 13-14. Ecce in nvbibvs caeli, id est cum sanctis angelis. Et vsqve ad antiqvvm diervm pervenit, id est ille qui natus fuit, hinc secundum carnem, usque ad dominum deum peruenit et accipit ab ipso potestatem et gloriam sempiternam et regnum quod non corrumpitur sed sine fine manebit".

Glose anonyme de Saint-Gall
= Jérôme

"7, 11-12. In uno romano imperio propter Antichristum blasphemantem omnia simul regna deleta sunt, et nequaquam terrenum imperium erit sed sanctorum conuersatio et aduentus filii dei triumphantis [...] 7, 17-18a. Quattuor regna, de quibus supra dictum est, fuere terrena : Omne enim quod de terra est reuertitur in terram, sancti autem nequaquam habebunt terrenum regnum sed caeleste. 7, 27. Hoc de Christi imperio quod sempiternum est".

84 Éd. PL 96, c. 1354 B.

85 Nous avons établi l'édition critique de ce texte à partir d'Albi, B. M. 31 (61r-72v); Barcelona, Catedral 64 (117rb-124rb) et Torino, B. N. 531 D. V. 17 (241v-252v).

86 Ce texte, inédit, est transmis par München, Bayerische Staatsbibliothek, clm 3704, f. 168v-169r et Paris, B.N., n.a.l. 762, f. 127r. En cas de variante, nous avons retenu ici la leçon du manuscrit de Munich qui nous paraît généralement meilleur.

87 Voir Sankt-Gallen Stiftsbibliothek 41, p. 349-351.

88 Ecl 3, 20.

89

Raban Maur
= Jérôme

"Quare autem, post interfectionem Antichristi, XLV dierum silentium sit, diuinae scientiae est, nisi forte dicamus : dilatio regni sanctorum patientiae comprobatio est".

Haymon d'Auxerre

"Porro xl quinque dies qui hic additi sunt cum superioribus creduntur inter mortem Antichristi et diem iudicii hominibus ad penitentiam dati, ut pęniteant qui, uel sponte uel Antichristo cogente, peccauerunt in illis diebus, priusquam dominus ad iudicium properet, ne cum illo simul in ęterna dampnatione pereant".

Anonyme

Pas de commentaire de ce passage

Glose anonyme de Saint-Gall = Jérôme

"Quare autem, post interfectionem Antichristi, XLV dierum silentium sit, diuinae scientiae est, nisi forte dicamus: dilatio regni sanctorum patientiae comprobatio est".

90 Karlsruhe, Landesbibliothek Aug. Perg. 208, f. 50v.

91 Sankt-Gallen Stiftsbibliothek 41, p. 375.

92 Voir aussi à ce sujet Régis Courtray, "La réception de l'In Danielem de Jérôme dans l'Occident médieval chrétien (viie - xiie siècles) ", à paraître dans Sacris Erudiri,44 (2005).

93 Michael Gorman, " Peter of Pisa and the Quaestiunculae copied for Charlemagne in Brussels II 2572", Revue bénédictine,110 (2000), 238-260, spéc. p. 239: "Incipit liber de diuersis quaestiunculis cum responsionibus suis quem iussit domnus rex Carolus transcribere ex authentico Petri archidiaconi".        [ Links ]

94 Ibid., pp. 240-241.

95 Ibid., p. 246.

96 Juan Gil, "Los terrores del ano 800", dans Actas del simposio para el estudio de los codices del "Commentario al Apocalipsis" de Beato de Liebana, Madrid, Joyas bibliográficas, 1977, pp. 215-247, spéc. p. 246; Landes, " Lest the millenium... ", spéc. pp. 196-203; id., "Sur les traces du Millenium...", spéc. pp. 12-13; Wolfram Brandes, " Tempora periculosa sunt. Eschatologisches im Vorfeld der Kaiserkrönung Karls des Grossen", dans Rainer Berndt (éd.), Das Franfkurter Konzil von 794. Kristallisationspunkt karolingischer Kultur. Akten zweier Symposien (vom 23. bis 27. Februar und vom 13. bis 15. Okotber 1994) anlässlich der 1200-Jahrfeier der Stadt Frankfurt am Main, t. I: Politik und Kirche, Mainz, Selbstverlag der Gesellschaft für mittelrheinische Kirchengeschichte, 1997, pp. 49-79.        [ Links ]         [ Links ]

97 Il s'agit de l'AM II d'après la dénomination de R. Landes.

98 Landes, "Lest the millenium ...", spéc. pp. 199-200.

99 Ibid., pp. 200-201.

100 Ibid., note 235, p. 198.

101 Gougenheim, op. cit., pp. 204-214.

102 Nous remercions vivement Silvia Cantelli-Berarducci de nous avoir fourni les résultats de son étude sur Raban Maur avant même sa publication: voir S. Cantelli-Berarducci, Hrabani Mauri Opera Exegetica. Repertorium fontium, Turnhout, Brepols, parution prévue en 2006, 3 ts., t. I pour la datation de l'œuvre.        [ Links ]

103 Cette datation a été récemment discutée: voir John J. Contreni, "By Lions, Bishops are meant; by Wolves, Priests: History, Exegesis and the Carolingian Church in Haimo of Auxerre's Commentary on Ezechiel", Francia, 29/1 (2002), 29-56. A propos d'Haymon d'Auxerre et de son œuvre, voir principalement Eduard Riggenbach, Historische Studien zum Hebräerbrief, I: Die ältesten lateinischen Kommentare zum Hebraërbrief, Leipzig, A. Deichert, 1907, p. 41-201 (Forschungen zur Geschichte, des neutestamentlichen Kanons, 8); Riccardo Quadri, Aimone di Auxerre alla luce dei " Collectanea" di Heiric di Auxerre , Padoue, Antenore, 1964; Henri Barré, "Haymon d'Auxerre", dans Dictionnaire de spiritualité...,  Paris, 1969, t. 7, cols. 91-97 et Dominique Iogna-Prat, "L'œuvre d'Haymon d'Auxerre, état de la question", dans D. Iogna-Prat, C. Jeudy et G. Lobrichon (éd.), op. cit., pp. 157-179.        [ Links ]         [ Links ]         [ Links ]

104 Cet aspect pénitenciel de l'eschatologie du haut Moyen Age a été souligné par Gouguenheim, op. cit., spéc. pp. 65 et 74.

105 Fridericus Stegmüller, Repertorium Biblicum Medii Aevi, t. V: Commentaria. Auctores R-Z, Madrid, Consejo superior de investigaciones científicas-Instituto Francisco Suarez, 1957, n. 7220 pour Remi, n. 8377 pour Wigbod et IX. Supplementi Altera Pars. Glossa ordinaria, 1977. Burton Edwards nous a fait part de son hypothèse informelle concernant Israël Scot et nous l'en remercions. Sur Wigbod en tant que commentateur biblique, voir Michael Gorman, "Wigbod, Charlemagne's commentator: the Quaestiunculae super Euangelium", Revue bénédictine,  114 (2004), 5-74. Sur Remi d'Auxerre, voir Colette Jeudy, " L'œuvre de Remi d'Auxerre, état de la question", dans L'Ecole carolingienne d'Auxerre..., pp. 373-397 et "Remigii autissiodorensis...". Sur Israël Scot, voir id., " Israël le Grammairien", dans Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique, Paris, Letouzey et Ané, 1997, t. 26, fasc. 151, cs. 311-313.        [ Links ]         [ Links ]

106 Samuel Berger, Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du Moyen Age, Nancy, Berger-Levrault, 1893, pp. 135-136.        [ Links ]

107 Jean de Blic, "L'œuvre exégétique de Walafrid Strabon et la Glossa ordinaria", Recherches de théologie ancienne et médiévale, 16 (1949), 5-28, spéc. pp. 6-8.        [ Links ]

108 C'est ce qui ressort également, nous l'avons vu, des commentaires de l'Apocalypse. D'après le très rapide sondage que nous avons effectué dans les commentaires de Mt 8, 11 et 26, 29 de Raban Maur, Chrétien de Stavelot, Paschase Radbert et du pseudo-Bède, la lutte contre le millénarisme ne paraît pas au premier plan et n'est pas explicite. Le commentaire d'Haymon sur Matthieu est inédit (voir Michael Gorman, "The commentary on the Gospel of John by Haymo of Auxerre", Revue bénédictine 115 (2005), 61-111, spéc. p. 73 et id., "Manuscripts books at Monte Amiata in the eleventh century", Scriptorium, pp. 225-293, spéc. pp. 286-290). Par ailleurs, Daniel Verhelst fait remarquer que Raban Maur traite de la question des âges du monde et des empires dans son De uniuerso, mais sans manifester d'inquiétude particulière non plus (Verhelst, "La préhistoire...", p. 88). Il faudrait également mener cette enquête à partir des exégèses d'Is 65, 17-25, abondantes surtout si l'on prend en compte les homéliaires.        [ Links ]

109 A ce sujet, voir par exemple Edmond Ortigues, "Haymon d'Auxerre, théoricien des trois ordres", dans L'Ecole carolingienne..., pp. 181-227, spéc. p. 200, id., "L'élaboration de la théorie des trois ordres chez Haymon d'Auxerre", Francia, 14 (1987), 27-43, spéc. p. 30 et Guy Lobrichon, "L'ordre de ce temps et les désordres de la fin. Apocalypse et société, du IXe à la fin du XIe s.", dans The Use and Abuse of Eschatology ..., pp. 221-241 puis dans La Bible..., pp. 129-144, spéc. pp. 136-140.

110 "Haec omnia Iudaei carnaliter intelligunt, referentes ea ad tempus mille annorum et ad Christi sui aduentum, et dicunt quia tanta pax et securitas erit eis, ut angustissime lupi et agni, leones et boues, serpentes et homines, simul comedant et pariter commorentur amissa omni seueritate : et his innoxii sint qui in templo uel in monte sancto habitauerint : ex quo intelligitur omnes occidendos qui extra montem fuerint. Sed ista omnia falso errore excogitata sunt. Et ne nos ipso iudaico errore decepti, carnaliter ea intelligeremus adimplenda, subsequens sermo manifestat [...]". S'ensuit le commentaire du chapitre 66, qui débute aussi par une note anti-millénariste (PL 116, 1075 A).

111 Paris, B. N. lat. 12302, f. 117v: "Aiunt Hebrei et nostri iudaizantes, dicit beatus Hieronimus, quia Gog et Magog gentes sunt in aquilonis parte [...]. Cum autem uenerit sicut illi dicunt messias illorum quem nos iam ueraciter uenisse credimus, illi autem adhuc eum existimant uenturum et regnauerint cum eo mille annis in Hierusalem aiunt et omnem mundum suo possiderunt imperio; post mille annorum spatium egredientur isté gentes ab aquilonari parte, et uenient in terram repromissionis, et bellabunt aduersus sanctos id est Iudeos et interficient illos. Deinde pluet Dominus ignem et sulphur super eos, et deiciet eos in aeternam dampnationem [...]. Sed iste sensus falsus est. Vnde melius est, ut per Gog intellegamur diabolum [...]"

112 PL 117 (779 CD): "Rogamvs vos, fratres, per adventum Domini Iesv, ad ivdicivm, et per adventvm nostrae congregationis in ipsvm, id est omnium sanctorum qui in ipso consistunt, vt non cito moveamini, id est ut non cito conturbemini, neqve terreamini, qvasi instet dies Domini, neqve per spiritvm, id est si aliquis se dixerit admonitum a Spiritu sancto quod dies judicii immineat, nolite illi credere, neque terreamini eius verbis, neqve per sermonem, id est per tractatum. Si aliquis explanator et tractator prophetiarum uobis dixerit: Collegi sensum prophetae Isaiae, et Danielis, aliorumque prophetarum, et praeuideo diem iudicii imminere, et Christum uenire ad iudicium, nolite ideo terreri. Neqve per epistolam tanqvam per nos missam. Si aliquis pseudoapostolus hoc finxerit, nolite ei credere. Qvoniam nisi venerit discessio primvm, ut discedant omnia regna a regno et imperio Romanorum: et revelatvs, siue manifestatus, fverit homo peccati. Antichristus uidelicet, qui licet homo sit, fons tamen erit omnium peccatorum".

113 Chez Haymon, il s'agit des commentaires de Ioel 3, 7. 8 ("Iudaei referunt hoc ad id tempus, quando dicunt uenturam esse e coelo Hierusalem deauratam: dicentes quod in fine temporis uendituri sunt filios Romanorum qui eos uendiderunt, non Aethiopibus uel aliis uicinis gentibus, sed ab eis longe positis: sed false loquuntur. Possumus etiam hoc ex parte ad filios Ecclesiae referre [...]", c. 969 A); 3, 9-11 ("Miserrimi Iudaei semper litteram sequentes & bona semper sibi promittentes, referunt hoc ad se: & dicunt quod quum uenerit Christus eorum & Ierusalem aurata descenderit de coelo, uenturae sunt fortissimae Gentes Gog et Magog contra eos, & pugnaturae aduersus eos,ideoque hortatur eos sermo diuinus ut praeparent se contra eas. Illud etiam quod sequitur: Ervmpite, id est praeparate & venite omnes gentes de circvitv & congregamini in auxilium earum, ibi occvmbere faciet Dominvs robvstos tvos, ô Gog & Magog: dicunt quod ironice prouocet eas contra ipsos, quia interficiendi sunt ab illis. Melius autem est ut nos ad diem iudicii referamus", c. 969 BC); Ioel 3, 17 ("Et erit Iervsalem sancta, non terrena, sed caelestis constans ex Angelis & hominibus", c. 969 F); 3, 19 ("Et in isto loco Iudaei grauiter dormiunt, referentes hoc ad tempus quo expectant aduentum Christi. Melius est autem ut nos ad diem iudicii istud deferamus", c. 969 H-970 A). Chez Jérôme, il s'agit de Ioel 2, 15-17; 3, 7. 8; Ioel 3, 9-11; Ioel 3, 12; Ioel 3, 16-17; Ioel 3, 19.

114 Ce dernier ajoute le pasage d'Apc 7-10 en parallèle et dit aussi : "alii uero terrenum sensum relinquentes et iudaicas atque aniles fabulas quae noxiae sunt [...]".

115 Raffaele Savigni, "Il commentario a Isaia di Aimone d'Auxerre e le sue fonti", dans Claudio Leonardi et Giovanni Orlandi (éd.), Biblical Studies in the Early Middle Ages. Proceedings of the Conference on Biblical Studies in the Early Middle Ages (Palazzo Feltrinelli, Gargnano on Lake Garda, 24-27 June 2001), Florence, SISMEL-del Galluzo, 2005, pp. 215-238, spéc. pp. 234-235.        [ Links ]

116 Voir à ce sujet Verhelst, "La préhistoire...", pp. 67-68, 71-72, 88 et 89-90.

117 Ibid., p. 89.

118 Au sujet de la notation des prodiges, nous suivons l'interprétation de Sylvain Gouguenheim: il ne s'agit pas en soi de témoignages de croyance en l'imminence de la fin des temps, mais d'enregistrement des rappels récurrents de la puissance de Dieu, préfigurant le châtiment suprême et ultime. Il s'agit de mettre en relation ces signes avec leurs causes et de se repentir alors qu'il en est encore temps. Voir Gouguenheim, op. cit., pp. 107-130.

119 "Qvi docti fverint, id est qui plenam sapientiam habuerint et alios non solum presentialiter docuerint sed etiam scriptis cotidie in ęcclesia, ut apostoli et eorum sequaces Augustinus Ieronimus et alii multi doctores".

120 Michel Banniard, "Niveaux de langue et communication latinophone (Ve -VIIe s.)", dans Communicare e significare nell'alto medioevo. 15-20 aprile 2004, Spolète, 2005, pp. 155-208, spéc. p. 155.         [ Links ]

121 Trad. Gougenheim, op. cit., p. 215. Bedae Venerabilis, Opera. Pars VI. Opera didascalica 3 (éd. Charles Williams Jones), Turnhoult, Brepols, 1980 (CCSL 123 C), Epistola ad Pleguinam,15, pp. 613-626: "Animaduerto enim quia cum sermonem facientes ad fratres incidente occasione de aetatibus saeculi disputamus, quidam simpliciorum sex annorum millia nos praedicare autumant, nec defuere qui septem annorum millibus saeculi huius statum quia et septem diebus uoluitur terminandum esse putarent".        [ Links ]

122 Voir Jean Longère, La prédication médiévale, Paris, Etudes augustiniennes, 1983, p. 48.        [ Links ]

123 De façon générale, le sens spirituel est valorisé par rapport au sens littéral dans l'exégèse carolingienne. En Dn 10, 1, par exemple, Haymon dit: "En effet dans la vision, la faculté de comprendre est nécessaire. Nous aussi, c'est en vain que nous voyons les lettres des Ecritures, si nous ne voyons pas le [sens] intérieur (Intellegentia enim opvs est in visione. Nos quoque frustra litteras uidemus scripturarum, nisi interius uideamus)".

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